Dépression

Syndrome dépressif, épisode dépressif caractérisé (EDC)

ACPVAHASMis à jour

Résumé des recommandations pour le généraliste

  • La dépression ou épisode dépressif caractérisé (EDC) est fréquente, avec la persistance pendant plus de 2 semaines de plusieurs symptômes parmi: humeur dépressive, perte de plaisir, modifications du poids, troubles du sommeil, agitation ou ralentissement psychomoteur, fatigue persistante, dévalorisation (voir Critères diagnostiques et Échelles de dépression)
  • Dépister la dépression à partir de 12 ans (grossesse ++) et en cas de trouble cognitif: questionnaire PHQ-2 ou PHQ-4 (couplé au repérage d’une anxiété)
  • Aide au diagnostic de la dépression chez l’adulte: questionnaire PHQ-9, Beck, Hamilton, GDS-15 (sujet âgé)
  • En cas de diagnostic d’épisode dépressif caractérisé: évaluer la sévérité (PHQ-9, Beck, Hamilton), le risque suicidaire, les comorbidités (et dépister une anxiété), toxiques, le handicap.
    Avec l’accord du patient, interroger l’entourage.
  • Bilan de la dépression: NFS, ionogramme, calcémie, bilan hépatique, glycémie, TSH, ± toxiques urinaires
  • La prise en charge de la dépression associe toujours: psychothérapie de soutien ou thérapies cognitivo-comportementales (TCC) (voir MonParcoursPsy pour le remboursement), activités physiques et sociales, rythme de vie, information du patient (dont lignes d’écoute)
  • Traitement antidépresseur de la dépression: inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine (ISRS) ou IRSNA en première intention, à envisager pour un EDC d’intensité modérée et systématique si sévère
  • Consultation psychiatrique en cas de diagnostic incertain, comorbidités psychiatriques, suspicion de maladie bipolaire ou psychose, dépression sévère ou résistante

La dépression de l’enfant et la dépression récurrente seront traités ultérieurement.

Épisode dépressif caractérisé (terme du DSM-5)
Dépression, ex « épisode dépressif majeur »
Maladie psychiatrique fréquente (10% des 18-75 ans sur un an) à prédominance féminine (RR 2), pourvoyeuse de handicap avec lourd retentissement médico-économique et humain (risque suicidaire).
La définition est clinique: diminution persistante pathologique de l’humeur (tristesse pathologique) et de l’énergie avec perturbations psychomotrices, physiologiques et psychoaffectives. 1/3 des épisodes sont d’intensité sévère.
Il peut s’inscrire dans différentes pathologies psychiatriques (dépression isolée, trouble dépressif récurrent, trouble bipolaire) ou être accompagné d’un autre trouble psychiatrique (anxiété pour 75%, addiction, schizophrénie).
Trouble dépressif récurrent
Au moins 2 épisodes dépressifs caractérisés sans antécédent d’épisode (hypo)-maniaque.

NB. La survenue de la dépression est ubiquitaire (mondiale) et ne dépend pas du niveau d’éducation.

Abréviations

ACP
American College of Physicians
CMP
Centres médico-psychologiques
CNUP
Collège National Universitaire de Psychiatrie
EDC
épisode dépressif caractérisé
GDS
Geriatric Depression Scale (échelle de dépression gériatrique)
HADS
Hospital and Anxiety Depression Scale
HAS
Haute Autorité de Santé
HDRS
Hamilton Depression Rating Scale (échelle de dépression de Hamilton)
IMAO
antidépresseur inhibiteur de la monoamine oxydase
IRSNA
inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (ou IRSN pour la HAS)
ISRS
antidépresseur inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine (ou IRS)
MADRS
Montgomery and Asberg Depression Rating Scale (échelle de dépression de Montgomery et Asberg)
PHQ
Patient Health Questionnaire
TCC
thérapie cognitivo-comportementale
TS
tentative de suicide
VA
United States Department of Veterans Affairs

Échelles d’évaluation de la dépression de l’adulte : dépistage, aide au diagnostic, sévérité et suivi

Échelles d’évaluation de la dépression citées par la HAS 2017 sauf mention contraire.

En gras, échelles pouvant donner lieu à la cotation annuelle ALQP003 (69,12 €).

Échelles pour l’évaluation de la dépression de l’enfant et de l’adolescent

  • Évaluation d’un adolescent présentant des symptômes dépressifs: ADRS
  • Dépistage du risque suicidaire de l’adolescent: BITS
  • Dépistage des problèmes de santé mentale chez l’enfant: SDQ

Critères diagnostiques DSM-5 de l’épisode dépressif caractérisé

Épisode dépressif caractérisé selon le DSM-5 si tous les critères sont remplis:

  1. Au moins 5 des symptômes suivants doivent être présents pendant une même période d’une durée de 2 semaines et avoir représenté un changement par rapport au fonctionnement antérieur ; au moins un des symptômes est soit (1) une humeur dépressive, soit (2) une perte d’intérêt ou de plaisir.
    NB. Ne pas inclure les symptômes manifestement attribuables à une autre affection médicale.
    1. Humeur dépressive présente pratiquement toute la journée, presque tous les jours, signalée par le sujet (ex. : se sent vide ou triste ou désespéré) ou observée par les autres (ex. : pleure ou est au bord des larmes).
      NB. Éventuellement irritabilité chez l’enfant ou l’adolescent.
    2. Diminution marquée du plaisir pour toutes ou presque toutes les activités pratiquement toute la journée, presque tous les jours (signalée par le sujet ou observée par les autres).
    3. Perte ou gain de poids significatif en absence de régime (ex. : modification du poids corporel en 1 mois excédant 5%) ou diminution ou augmentation de l’appétit presque tous les jours.
      NB. Chez l’enfant, prendre en compte l’absence de l’augmentation de poids attendue.
    4. Insomnie ou hypersomnie presque tous les jours.
    5. Agitation ou ralentissement psychomoteur presque tous les jours (constatés par les autres, non limités à un sentiment subjectif de fébrilité ou de ralentissement intérieur).
    6. Fatigue ou perte d’énergie presque tous les jours.
    7. Sentiment de dévalorisation ou de culpabilité excessive ou inappropriée (qui peut être délirante) presque tous les jours (pas seulement se faire grief ou se sentir coupable d’être malade).
    8. Diminution de l’aptitude à penser ou à se concentrer ou indécision presque tous les jours (signalée par le sujet ou observée par les autres).
    9. Pensées de mort récurrentes (pas seulement une peur de mourir), idées suicidaires récurrentes sans plan précis ou tentative de suicide ou plan précis pour se suicider.
  2. Les symptômes induisent une souffrance cliniquement significative ou une altération du fonctionnement social, professionnel, ou dans d’autres domaines importants.
  3. Les symptômes ne sont pas attribuables à l’effet physiologique d’une substance ou d’une autre affection médicale.
  4. L’occurrence de l’EDC n’est pas mieux expliquée par un trouble schizo-affectif, une schizophrénie, un trouble schizophréniforme, un trouble délirant, ou un autre trouble psychotique.
  5. Il n’y a jamais eu d’épisode maniaque ou hypomaniaque.

L’évaluation de la sévérité repose sur le nombre de critères, la sévérité des symptômes et le degré de l’altération du fonctionnement:

  • Léger: peu ou pas de symptômes supplémentaires par rapport au nombre nécessaire pour répondre au diagnostic; la gravité de symptômes est à l’origine d’un sentiment de détresse mais qui reste gérable, et les symptômes sont à l’origine d’une altération mineure du fonctionnement social ou professionnel.
  • Moyen: le nombre et la gravité des symptômes et/ou de l’altération du fonctionnement sont compris entre « léger » et « grave ».
  • Grave: Le nombre des symptômes est en excès par rapport au nombre nécessaire pour faire le diagnostic; la gravité des symptômes est à l’origine d’une souffrance importante et ingérable, et les symptômes perturbent nettement le fonctionnement social ou professionnel.

NB. Les critères A à C caractérisent l’EDC.

NB. La réaction à une perte significative (ex. décès, ruine financière, perte secondaire à une catastrophe naturelle, affection médicale ou handicap sévères) peut inclure une tristesse intense, des ruminations au sujet de cette perte, une insomnie, une perte d’appétit et une perte de poids notée au niveau du critère A, et peut ressembler à un épisode dépressif. Bien que ces symptômes puissent être compréhensibles ou considérés comme adaptés face à cette perte, la présence d’un EDC en plus de la réponse normale à cette perte doit aussi être envisagée. Cette décision demande que le jugement clinique tienne compte de l’histoire individuelle et des normes culturelles concernant l’expression de la souffrance dans un contexte de perte. Pour constituer un trouble dépressif unipolaire, les critères D et E doivent s’y ajouter.

HAS. Définition de l’EDC selon le DSM-5 (proposition de traduction) (PDF)

Critères diagnostiques CIM-11 de l’épisode dépressif unique

Épisode dépressif unique (6A70)
Le trouble dépressif à épisode unique est caractérisé par la présence ou l’antécédent d’un épisode dépressif alors qu’il n’y a pas d’antécédents d’épisodes dépressifs antérieurs. Un épisode dépressif se caractérise par une période d’humeur dépressive ou une diminution de l’intérêt pour les activités se produisant la majeure partie de la journée, presque tous les jours pendant une période d’au moins deux semaines accompagnée d’autres symptômes tels que des difficultés de concentration, des sentiments de dévalorisation ou de culpabilité excessive ou inappropriée, un désespoir, des pensées récurrentes de mort ou de suicide, des modifications de l’appétit ou du sommeil, une agitation ou un retard psychomoteur et une baisse d’énergie ou une fatigue. Il n’y a jamais eu d’épisodes maniaques, hypomaniaques ou mixtes antérieurs, qui indiquerait la présence d’un trouble bipolaire.

Classification Internationale des Maladies 11e version (CIM-11)

Critères diagnostiques CIM-10 de l’épisode dépressif

  1. L’épisode présente une durée d’au moins 2 semaines
  2. Le sujet présente au moins deux des trois symptômes principaux suivants:
    1. humeur dépressive à un degré nettement anormal pour le sujet, présente pratiquement toute la journée et presque tous les jours, dans une large mesure non influencée par les circonstances, et persistant pendant au moins 2 semaines
    2. diminution marquée de l’intérêt ou du plaisir pour des activités habituellement agréables
    3. réduction de l’énergie ou augmentation de la fatigabilité
  3. Présence d’au moins deux des symptômes suivants:
    1. perte de la confiance en soi ou de l’estime de soi
    2. sentiments injustifiés de culpabilité ou culpabilité excessive et inappropriée
    3. pensées récurrentes de mort ou idées suicidaires récurrentes, ou comportement suicidaire de n’importe quel type
    4. diminution de l’aptitude à penser ou à se concentrer (signalée par le sujet ou observées par les autres), se manifestant, par exemple, par une indécision ou des hésitations
    5. modification de l’activité psychomotrice, caractérisée par une agitation ou un ralentissement (signalés ou observés)
    6. perturbation du sommeil de n’importe quel type
    7. modification de l’appétit (diminution ou augmentation) avec variation pondérale correspondante

Éléments importants:

  • Être attentif aux expressions somatiques (douleurs, plaintes diverses) et aux troubles de la sexualité
  • Le deuil n’est pas un EDC mais peut le devenir
  • Diagnostic difficile chez le sujet âgé avec des troubles somatiques et cognitifs au premier plan

Classification Internationale des Maladies 10e version (CIM-10)

Diagnostic différentiel d’un épisode dépressif caractérisé

  • Autres troubles psychiatriques
    • Trouble bipolaire
    • Trouble dépressif persistant (ex dysthymie) ou récurrent (épisode dépressif saisonnier)
    • Trouble de l’adaptation
    • Trouble anxieux: trouble anxieux généralisé, état de stress post-traumatique
    • Trouble schizophrénique (trouble schizo-affectif, le trouble schizophréniforme), troubles délirants
    • Trouble somatoforme, trouble de conduite alimentaire
    • Trouble de la personnalité
  • Usage, abus, dépendance et sevrage de médicaments
  • Usage, abus, dépendance et sevrage de substances psychoactives
  • Maladies somatiques: endocrinienne (hypothyroïdie, Cushing), maladie neurodégénérative, neurologique (tumeur, SEP, AVC)

Dépister la dépression chez l’adulte (notamment si grossesse ou post-partum – USPTF 2023), l’adolescent de 12 à 18 ans (USPTF) et devant tout trouble cognitif (HAS 2017): questionnaire PHQ-4 (couplé à l’anxiété) ou questionnaire PHQ-2

Le premier épisode dépressif peut survenir à tout âge mais il survient plus souvent chez l’adulte jeune (25 ans).

En ville, le motif de consultation est somatique pour 45 à 95% des patients atteints de dépression (Prescrire).

Les symptômes doivent être présents depuis au moins 15 jours avec changement par rapport à l’état antérieur:

  • Antécédents
    Psychiatriques (tentative de suicide, bipolarité, dépression, (hypo)-manie, anxiété), médicaux, hospitalisations, maltraitance.
  • Antécédents familiaux (psychiatriques)
  • Traitements en cours, automédication
    Médicaments à risque, toujours lire les RCP: antiépileptiques, neuroleptiques, myorelaxants, méthylphénidate, alcool (baclofène, acamprosate, naltrexone), IMAO-B, interféron, rétinoïdes, corticoïdes, montélukast, immunodépresseurs (aprémilast …), antiviral (ribavirine, éfavirenz …), pitolisant.
  • Contraception (hormonale ++)
  • Facteurs de risque psycho-sociaux
    • Deuil, perte de relations, aidant, problèmes (financiers, logement, travail, famille)
    • Environnement socio-professionnel et ressources, maltraitance, harcèlement
  • Symptômes psychoaffectifs
    • Perturbation de l’humeur
      Humeur dépressive, tristesse quasi permanente (maximale le matin, amélioration dans la journée).
    • Perturbation des émotions
      Anhédonie, perte de plaisir des activités appréciées, anesthésie affective, anxiété, irritabilité (adolescent ++).
    • Altération du contenu de la pensée
      Culpabilité, dévalorisation (inutilité, indignité), incurabilité.
    • Pensées de mort
  • Perturbations psychomotrices
    • Ralentissement psychomoteur ou agitation
    • Perturbations du cours de la pensée
      Bradypsychie, ruminations négatives, monoidéisme.
    • Altérations cognitives
      Troubles de la concentration, de la mémoire, de l’attention, indécision.
    • Ralentissement moteur et comportemental
      Bradykinésie, hypomimie, bradyphémie, aprosodie, clinophilie, incurie, aboulie (exécution des actes planifiés et prise de décision).
    • Perturbations physiologiques
      • Troubles du sommeil et du rythme circadien
        Insomnie avec réveils nocturnes, réveils précoces ou d’endormissement, somnolence.
      • Fatigue
      • Conduites alimentaires
        Anorexie voire hyperphagie, grignotage, appétence sucrée.
      • Troubles de la sexualité (dysfonction érectile, féminine)
    • Symptômes psychotiques: hallucinations, délire
    • Maintien des activités quotidiennes: hygiène, alimentation
    • Sévérité de l’épisode dépressif: léger, modérée, sévère (questionnaire PHQ-9)
  • Symptômes somatiques
  • Comorbidités
    • Toxiques, sevrage
    • Auto/hétéro-agressivité
    • Dépistage d’une anxiété (75%): échelle GAD-2
  • Retentissement socio-professionnel
  • Évaluation du risque suicidaire
  • Sujet âgé: rechercher une maladie neuro-dégénérative (Alzheimer, Parkinson), MMSE (PDF)
  • Enfant: irritabilité, baisse des performances scolaires, variations de poids

Avec l’accord du patient, interroger l’entourage.

Questionnaires d’aide au diagnostic de la dépression chez l’adulte (voir la section dédiée): PHQ-9, HADS, Hamilton, sujet âgé: échelle GDS-15 et MMSE.

« Le diagnostic de l’épisode dépressif caractérisé est clinique » – HAS 2017

« Tout épisode dépressif caractérisé chez le sujet âgé comporte un risque suicidaire élevé » – HAS 2017

Exemple de questions à poser pour évaluer l’intention suicidaire:

  • Avez-vous déjà pensé à vous faire du mal ?
    Si oui, de quelle façon ?
  • Pensez-vous que votre vie ne vaut pas la peine d’être vécue ?
  • Souhaiteriez-vous être mort ?
  • Avez-vous déjà pensé à mourir ?
  • Avez-vous fait des plans pour mettre fin à vos jours ?
  • Avez-vous à votre disposition les moyens pour faire cela ?
  • Qu’est-ce qui vous retient de mettre en œuvre ces pensées ?

HAS 2017

Le questionnement sur le suicide ne renforce pas le risque suicidaire.

Numéro national de prévention du suicide (24/7 et section médecin): 3114.

Sites et hotlines: SOS Amitié France, SOS suicide Phénix, Suicide Écoute, Phare-Enfants-Parents

Facteurs de risque suicidaire

L’accumulation de facteurs de risque aggrave la dangerosité:

  • Facteurs psychosociaux
    • Solitude, isolement, précarité
    • Homme
    • Personne âgée (+75 ans ++) ou jeune (< 30 ans)
    • Perte récente (décès, divorce, métier, situation sociale)
    • Autres facteurs de stress
    • Appartenance à une minorité sexuelle
    • Absence de facteurs protecteurs, manque de soutiens
    • Professions cumulant les risques psychosociaux et l’accès à des moyens létaux (médecins ++)
  • Antécédents
    • Actes impulsifs, violence
    • Tentative de suicide, automutilation
    • Antécédent familial de suicide ou de pathologie mentale
  • Caractéristiques cliniques
  • Impulsivité
    • Dépression sévère
    • Désespoir, absence de désir de continuer
    • Douleur psychique
    • Psychose
    • Troubles de la personnalité
    • Anxiété sévère, agitation, attaque de panique
    • Baisse de l’estime de soi
    • Toxiques ou sevrage
    • Comorbidité somatique invalidante, symptômes physiques (douleur chronique, insomnie, incapacité)

HAS 2017

Degrés d’urgence suicidaire

Manque de scores en médecine générale pour l’aide à l’évaluation du risque suicidaire (Blanchet 2019).

Risque suicidaire élevé (urgence)

Le patient en crise:

  • est décidé: sa planification est claire et le passage à l’acte est prévu pour les jours qui viennent
  • est coupé de ses émotions: il rationalise sa décision ou est très émotif, agité, troublé
  • se sent complètement immobilisé par la dépression ou dans un état de grande agitation
  • a une douleur et une expression de la souffrance omniprésentes ou complètement tues
  • a un accès direct et immédiat à un moyen de se suicider
  • a le sentiment d’avoir tout fait et tout essayé
  • est très isolé

Hospitalisation sous contrainte si besoin

Risque suicidaire modéré

Le patient en crise:

  • envisage le suicide et son intention est claire
  • a envisagé un scénario suicidaire, mais dont l’exécution est reportée
  • ne voit de recours autre que le suicide pour cesser de souffrir
  • présente un équilibre émotionnel fragile
  • a besoin d’aide et exprime directement ou indirectement son désarroi
  • est isolé

Prise en charge par hospitalisation, suivi renforcé ou avis psychiatrique.

Risque suicidaire faible

Le patient en crise:

  • est dans une relation de confiance établie avec le praticien
  • désire parler et est à la recherche de communication
  • cherche des solutions à ses problèmes
  • pense au suicide, mais n’a pas de scénario suicidaire précis
  • pense encore à des moyens et à des stratégies pour faire face à la crise
  • n’est pas anormalement troublé, mais psychologiquement souffrant

Réévaluations fréquentes du niveau d’urgence.

HAS 2017

Critères d’hospitalisation d’un adulte pour dépression

Envisager une hospitalisation immédiate ou au cours de l’évolution si:

  • Scénario suicidaire construit imminent
  • Risque immédiat d’automutilation
  • Potentiel de violence
  • Dépression sévère avec symptômes psychotiques ou somatiques sévères associés
  • Agitation anxieuse importante avec manque de contrôle
  • Sevrage de substance psychoactive
  • À chaque fois qu’une situation particulière l’exige (ex. dépression sévère du post-partum)

HAS. Épisode dépressif caractérisé de l’adulte : prise en charge en soins de premier recours. 2017.

Si l’hospitalisation est refusée par le patient, évaluer une hospitalisation sous contrainte.

Bilan biologique devant une dépression

Bilan à la recherche de diagnostic différentiel:

  • NFS, CRP
  • Glycémie à jeun
  • Ionogramme sanguin, calcémie
  • Bilan hépatique
  • TSH
  • ± Toxiques urinaires

CNUP

La prise en charge de la dépression nécessite des consultations dédiées. Pour le remboursement (rare) de la prise en charge de la psychothérapie, voir MonParcoursPsy.

Recommandations pour la prise en charge de la dépression selon sa sévérité

  • Épisode dépressif caractérisé d’intensité légère: psychothérapie de soutien ou thérapie cognitive et comportementale (TCC, suggérée par l’ACP), réévaluation à 4-8 semaines (questionnaire PHQ-9, d’Hamilton)
    • Rémission partielle: poursuite et réévaluation 4-8 semaines.
      Si persistance: envisager EDC d’intensité modérée ou avis psychiatrique.
    • Persistance ou aggravation: réévaluer le diagnostic et envisager un EDC d’intensité modérée
  • EDC d’intensité modérée: TCC (psychiatre, psychologue clinicien ou psychothérapeute), antidépresseur ISRS/IRSNA/autre (HAS: selon l’impression clinique; ACP: suggéré), réévaluation à 4-8 semaines
    • Rémission complète: psychothérapie, poursuivre l’éventuel antidépresseur 6-12 mois (4-9 selon l’ACP)
    • Rémission partielle: psychothérapie, augmenter ou substituer l’antidépresseur, réévaluation 4-8 semaines
    • Persistance ou aggravation: réévaluer le diagnostic et envisager un EDC d’intensité sévère
  • EDC d’intensité sévère: vérifier les critères d’hospitalisation, antidépresseur d’emblée ISRS/IRSNA/autre et avis psychiatrique (psychothérapie, antidépresseur)
    • Rémission complète: psychothérapie, poursuivre l’antidépresseur 6-12 mois
    • Rémission partielle, persistance ou aggravation: réévaluation psychiatrique, envisager l’hospitalisation

Mesures générales possibles pour tous les épisodes dépressifs caractérisés

Annuaire des psychiatres et des Centres médico-psychologiques (CMP).

  • Correction des facteurs psycho-sociaux
  • Activité physique régulière (marche, yoga, Qi Gong)
    Prescription d’activité physique adaptée (APA).
  • Activité sociale régulière
  • Maintenir un rythme de vie sain (horaires, sommeil)
  • Luminothérapie (VA 2022)
  • Éviter la consommation d’alcool et de toxiques
  • Psychothérapie
    De soutien (lignes d’écoute), thérapies cognitivo-comportementales (TCC), psychothérapies psychodynamiques ou d’inspiration analytique, thérapies systémiques.
  • Arrêt de travail si nécessaire
    Court (1-2 semaines) avec réévaluations tous les 3-7 jours ou 1 mois avec évaluations hebdomadaires (Ameli).
  • Information du patient
    Symptômes et évolution de la maladie, discuter des stéréotypes, effets bénéfiques des traitements et leurs effets indésirables (délai d’action, risque de désinhibition), suivi rapproché, information de l’entourage avec accord.
  • Établir un projet thérapeutique avec le patient, réévaluations
  • Avec l’accord: mobiliser l’entourage
  • Suivi rapproché: symptômes, toxiques, automédication, mode de vie
  • Information du patient: Psycom
  • Lecture pour l’entourage: « Chevance A. En finir avec les idées fausses sur la psychiatrie et la santé mentale. » (12,50 €)

Traitements médicamenteux de la dépression

Le traitement d’attaque de la phase aiguë de dépression vise la rémission complète des symptômes. Ensuite la phase de consolidation vise à prévenir la rechute.

« Après évaluation, un traitement antidépresseur peut être prescrit dès la première consultation si l’intensité du tableau clinique le nécessite. » – HAS 2017 (sauf épisode dépressif caractérisé d’intensité légère)

« Il n’existe pas de différence d’efficacité clinique démontrée entre les différents types d’antidépresseurs pour les patients suivis en ambulatoire. » – HAS 2017

Classes thérapeutiques d’antidépresseurs: ISRS, IRSNA, autres antidépresseurs (miansérine, mirtazapine 15-45 mg/j, vortioxétine sauf tianeptine et agomélatine). Antidépresseurs imipraminiques (tricycliques) en 2e intention par toxicité cardiovasculaire (et pas après 75 ans) et IMAO en dernier recours.

  • Évaluer les interactions médicamenteuses (Drugs.com)
  • Réévaluation à 1 et 2 semaines, puis rapprochée les 2 premiers mois (désinhibition suicidaire, agitation, effets indésirables)
  • Informer le patient et l’entourage sur la désinhibition et la nécessité de consulter rapidement en cas de modification de l’humeur
  • Pendant la grossesse, la plupart des traitements de référence sont possibles si un traitement est nécessaire
    « l’utilisation d’antidépresseurs pendant la grossesse n’augmente pas le risque de troubles du développement neurologique chez l’enfant » (Suarez et al 2022)
  • Délai d’action plus long chez le sujet âgé (maintenir min 1 an après rémission)
  • Thérapies autres: acupuncture (ACP)
  • Si anxiété, agitation, insomnies invalidantes: benzodiazépine pendant 2 semaines
  • Arrêt progressif de l’antidépresseur (> 1 mois – BAP, NICE) après décision partagée au-delà de 6-12 mois de rémission
    Prolonger le traitement (2 ans) en cas de trouble dépressif récurrent.

Selon BAP 2015, choix pour une efficacité maximale recherchée: clomipramine, venlafaxine ≥ 150 mg, escitalopram 20 mg, sertraline voire amitriptyline ou mirtazapine.

Autres traitements de la dépression

Les autres traitements, médicamenteux (IMAO, buspirone, kétamine, eskétamine) ou non (électroconvulsivothérapie ECT, neurochirurgie) relèvent du psychiatre.

La bithérapie est également une décision du spécialiste: grade A (quétiapine, aripiprazole, risperidone), grade B (olanzapine, mirtazapine voire bupropion, buspirone).

« Au total, dans l’indication de traitement de la dépression résistante chez l’adulte, malgré un profil de sécurité rassurant, les données retenues liées à la rTMS (stimulation électrique transcrânienne) ne montrent pas un impact clinique favorable » – HAS 2022

graph TB
  dépistage["Dépistage systémique de la
dépression à partir de 12 ans"] --> évaluation("Dépistage de la dépression

- Échelle PHQ-2 ou PHQ-4
- Évaluation clinique") -- Pathologique --> diagnostic("Diagnostic de dépression

Étayer le diagnostic et
évaluer la sévérité
- Aide: PHQ-9, Beck ou Hamilton
- Risque suicidaire
- Comorbidités psychiatriques
(anxiété ++)") -- Légère --> légère("- Psychothérapie
de soutien
- Suivi") -- "4-8 sem" --> réévaluation(Réévaluation) -- "Rémission
complète" --> guérison(Guérison) réévaluation -- "Rémission
partielle" --> psychothérapie(Psychothérapie) -- "4-8 sem" --> réévaluation2(Réévaluation) -- Rémission complète --> guérison réévaluation2 --> reconsidérer("Étayer une dépression
d'intensité modérée
ou avis psychiatrique") suspicion["Suspicion de dépression
- Plainte somatique ++
- Humeur dépressive, anhédonie
- Variation poids
- Insomnie constante
- Agitation ou ralentissement
- Fatigue
- Dévalorisation,
culpabilité
- Concentration
- Pensées de mort"] --> évaluation évaluation -- Normale --> différentiel(Autre diagnostic) diagnostic -- Modérée --> modérée("- Psychothérapie de soutien
ou TCC
- Antidépresseur") -- "4-8 sem" --> réévaluation3(Réévaluation) -- "Rémission
complète" --> poursuite("- Psychothérapie
- Poursuivre AD
6-12 mois
(4 à 9 selon ACP)") réévaluation3 -- "Rémission
partielle" --> augmenter("- Psychothérapie
- Augmenter ou
substituer l'AD") -- "4-8 sem" --> envisager("Réévaluation:
envisager EDC sévère,
avis psychiatrique") diagnostic -- Sévère --> sévère(Antidépresseur) -- Avis rapide --> psychiatre(Psychiatre) diagnostic -- "Comorbidités
psychiatriques" --> psychiatre diagnostic -- Suicidaire --> urgences(Urgences
± sous contrainte) style dépistage stroke:#4150f5, stroke-width:1px style suspicion stroke:#4150f5, stroke-width:1px
Figure. Prise en charge de la dépression (épisode dépressif caractérisé) par le médecin généraliste. Dr JB Fron d'après ACP 2023 et HAS 2017.

ACP = American College of Physicians; AD = antidépresseur (ISRS, IRSNA); EDC = épisode dépressif caractérisé ; sem = semaine; TCC = thérapie cognitive et comportementale