Dysfonction érectile

Impuissance

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Résumé des recommandations pour le généraliste

Les recommandations concernent l’homme de plus de 18 ans. Avant, la prise en charge relève de psychologue/psychiatre formé en sexologie et aux pathologies de l’adolescent.

  • Dépister systématiquement chez le diabétique, marqueur de maladie endothéliale et des autres complications du diabète
  • Vérifier les contre-indications aux IPDE5
  • Tadalafil 10 mg (Cialis®, gén) à la demande (max 1/j)
    Selon l’effet, utiliser max 20 mg/j ou en 5 mg/j (efficace 12 heures)

Grandes lignes:

  1. Affirmer la DE et comprendre la demande du patient
  2. Cerner le contexte pour savoir si nécessite un sexologue
  3. Examen clinique et bilan biologique systématiques
  4. Prendre en compte le risque cardiovasculaire
  5. Informer sur la prévalence, les mécanismes de la DE
  6. Exposer les traitements disponibles et les mesures hygiéno-diétetiques
  7. Suivi médical régulier

Dysfonction érectile (DE)
ex impuissance
Incapacité persistante ou répétée à obtenir/maintenir une érection suffisante pour permettre une activité sexuelle satisfaisante durant plus de 3 mois.
S’y ajoute le retentissement psychologique du patient/couple (DSM IV).
Tableau. Prévalence de la dysfonction érectile selon l'âge
Âge (ans)Prévalence (%)
18-391-10
40-592-30
60-6920-40
7050-75

Facteurs de risque de dysfonction érectile indépendants de l’âge

  • Diabète
    • 50% des diabétiques, risque multiplié par 4,5 et le trouble survient 10 à 15 ans plus tôt
    • La DE est l’indicateur le plus fiable de l’installation des complications viscérales et vasculaires (MCV x1,6)
    • 40% arrêtent le traitement antidiabétique pensant améliorer la DE
  • Pathologie cardiovasculaire
  • Troubles anxio-dépressifs
  • Hypertrophie bénigne de prostate
  • Psychotropes

NB. L’association déficit androgénique - dysfonction érectile n’est pas clairement établie.

La dysfonction érectile est un marqueur de risque cardiovasculaire et d’altération de la qualité de vie Dong 2011

Abréviations

DE
dysfonction érectile
IPDE5 ou iPDE-5
inhibiteurs de la PDE5 (phosphodiestérase V)
MCV
maladie cardiovasculaire

La dysfonction érectile est un diagnostic d’interrogatoire: « Donc, vous avez un problème d’érection pendant les rapports ? »

Points essentiels pour guider l’examen en cas de dysfonction érectile

  1. Diagnostic positif de dysfonction érectile
    Incapacité à obtenir et/ou à maintenir une érection suffisante pour une activité sexuelle satisfaisante.
  2. Diagnostic différentiel
  3. Caractériser la DE
  4. Histoire sexuelle et facteurs environnementaux
    • Depuis quand ? (primaire ou secondaire)
    • Avez-vous toujours des érections conservées dans certaines situations, matinales ou autres ?
    • Est-ce que votre partenaire souffre de la situation ? Et est-elle(il) désireuse(x) d’une prise en charge ?
  5. Retentissement psychologique
  6. Quelle est la demande du patient

Interrogatoire avancé

1) Enquête sur les autres troubles sexuels

  • Désir: Avez-vous toujours envie d’avoir des rapports ?
  • Troubles de l’éjaculation: Avez-vous une éjaculation trop rapide, retardée voire absente ?
  • Douleurs lors des rapports: Avez-vous mal pendant les rapports ? Pendant l’érection, au moment de l’éjaculation ?
  • Anomalies de la rectitude de la verge (Lapeyronie, courbure congénitale): Avez-vous une déformation de la verge lorsque vous êtes en érection ?
  • Plainte sur la taille de verge ou phimosis: Êtes-vous gênés pour décalotter ? Êtes-vous soucieux par rapport à la taille de votre verge ?

2) Caractériser la dysfonction érectile

  • Caractère primaire (existant depuis le début de la vie sexuelle) ou secondaire (acquis)
  • Inaugural ou réactionnel à un autre trouble sexuel
  • Caractère brutal (événement déclenchant psychologique ++) ou progressif (cause organique)
  • Permanent ou situationnel
  • Persistance d’érections nocturnes/matinales spontanées (psychologique ++)
  • Possibilité d’érections provoquées (masturbation)
  • Sévérité de la DE
  • Délai entre l’apparition des troubles et la 1re consultation
  • Capacité érectile résiduelle (rigidité suffisante pour une pénétration)

Une DE réactionnelle, situationnelle associée à la persistance d’érections spontanées/provoquées de bonne qualité évoque une pathologie psychogène prédominante.

La persistance d’une capacité érectile résiduelle est un facteur de bon pronostic et permet de rassurer le patient

3) Histoire sexuelle

  • Vie sexuelle antérieure
  • Agression sexuelle

4) Retentissement de la DE

  • Psychologique, qualité de vie
  • Raisons motivant la consultation (rencontre récente, demande de la partenaire)
  • Sur le couple: contexte affectif, communication
    Motivation, état de santé, ménopause, antécédents chirurgicaux, contraception, dysmorphophobie, culturel/religieux. Inclure l’évaluation de la partenaire chaque fois que possible.
  • Retentissement professionnel
  • Compliance au traitement d’une maladie chronique
  • Questionnaires facultatifs en complément IIEF-5 ou SHIM (version courte) ou EHS, échelle visuelle de cotation de l’érection

5) Antécédents

  • Abdomino-pelviens
    Cancer du testicule, traumatisme, chirurgie herniaire, cryptorchidie, radiothérapie.
  • Diabète, maladies neurologiques ou endocriniennes
  • Facteurs de risque et maladies cardiovasculaires
  • Traitements en cours
    Bêtabloquant, finastéride, antidépresseur, antiépileptique …
  • Sédentarité
  • Facteurs psycho-sociaux
  • Signes d’hypertrophie prostatique
  • Troubles du sommeil, apnées du sommeil

6) Traitements en cours, psychotropes

7) Signes de déficit androgénique

  • Diminution de la libido, nombre d’érections nocturnes/matinales
  • Corticothérapie prolongée, syndrome métabolique Moins spécifiques: fatigabilité, troubles de la mémoire ou de l’humeur

8) Maladie psychiatrique (et antécédent de dépression) et addictions (toxico/alcool/sexuelle)

Dépister anxiété et dépression: questionnaire PHQ-4

  • Anxiété de performance sexuelle (anxieux ++)
  • Éléments de vie positifs ou négatifs dans les 6 mois précédents l’apparition du trouble
  • Partenaire
    Attitude et motivation sexuelle, troubles sexuels, santé psychique et physique, ménopause, ATCD gynéco, contraception. La consultation de la partenaire est vivement recommandée.

Faire la part entre une personnalité anxieuse (psychotrope, psychothérapie, IPDE5) et une anxiété de performance sexuelle (expliquer, rassurer, IPDE5)

Examen clinique

Examen clinique annuel en cas de dysfonction érectile avec:

Rechercher des signes de syndrome de Cushing (graisses faciotronculaires, fragilité cutanée, vergetures …).

Bilan devant une dysfonction érectile

  • NFS
  • Ionogramme, créatininémie et DFG
  • Bilan hépatique (sauf < 5 ans)
  • Glycémie à jeun (sauf < 1 an) ou HbA1c
  • Bilan lipidique (sauf < 1 an)
  • PSA si > 50 ans (ou 45 si antécédents familiaux)
  • Ferritinémie (voir hémochromatose)
  • Diabète type 2: testostéronémie totale
    Le matin entre 8h et 11h.

Si testostérone < 5,2 nmol/L: recontrôler 1 mois après avec dosage de LH + prolactine

NB. Aucune autre exploration n’est recommandée en première intention.

Avis cardiologique

Systématique en présence d’au moins 3 facteurs de risque cardiovasculaires (en vue d’une épreuve d’effort).

EMG des membres inférieurs

En cas de suspicion de neuropathie périphérique (diabète ancien, alcoolisme chronique).

Information sexuelle

« Rassurer, dédramatiser de façon adaptée à l’âge et la demande »

Explications sur la physiologie érection, part psychologique (anxiété de performance), prévalence de la dysfonction avec l’âge, sexualité féminine. Importance des préliminaires.

Une information adaptée peut parfois suffire.

Hygiène de vie

  • Alimentation équilibrée
  • Arrêt des toxiques
  • Sevrage tabagique
  • Temps de sommeil suffisant
  • Perte de poids si surpoids
  • Activité physique
    • 2 séances d’endurance, 2 séances de renforcement et 1 activité en groupe combinée chaque semaine
    • Privilégier les sports d’endurance d’intensité modérée pour améliorer la qualité des érections
    • Le renforcement musculaire peut accroître la production de testostérone
    • Les sports de combat peuvent améliorer l’estime de soi et la gestion du stress
    • Les sports collectifs diminuent le stress, l’anxiété et la dépression ( en extérieur ++)

Traitements aggravants

Étudier le rapport chronologique pour chaque traitement:

  • Imputer la DE au traitement si résolution après adaptation médicamenteuse
  • Bêtabloquant: remplacer par IEC
    Sauf chez diabétique/coronarien: avis cardio pour adaptation.
  • Thiazidique. Remplacer par autre classe hors BB
  • Antidépresseurs: évaluer la DE avant le traitement (intrication)
    • Si DE pré-existante: IPDE5
    • Si dépression suivie par le psychiatre: avis du psychiatre pour adaptation thérapeutique
    • Si dépression suivie par le médecin traitant et bien équilibrée: le switch est possible
      Préférer moclobémide, agomélatine, duloxétine, milnacipran, mirtazapine, amineptine ou tianeptine
      OU on peut toutefois préférer ajouter un IPDE5 au traitement en cours et le maintenir à posologie minimale efficace.
  • Anti-psychotiques
    Avis psychiatrique et dosage de la prolactinémie
  • Anti-épileptique: avis neurologique

Dimension psychologique

Un accompagnement par psycho-sexothérapie est possible en parallèle de la prescription d’IPDE5.

Bilan de la partenaire si problématique chez la partenaire suspectée.

Diagnostic de dépression au cours du bilan de dysfonction érectile avec le généraliste:

  • Syndrome dépressif sévère apparu avant la DE
    Traitement de la dépression uniquement.
  • Syndrome dépressif léger apparut avec la DE
    Traitement de la dépression ± IPDE5
    + psychothérapie si événement inducteur dans les 3 mois précédents
  • Syndrome dépressif apparu après la DE
    Possible retentissement de la DE, IPDE5 ± psychothérapie/sexologie.
  • Dysthymie chronique: psychothérapie + IPDE5

Avis psychiatrique (ou sexologique)

Avis psychiatrique systématique: dysfonction érectile primaire, pathologie psychotique, paraphilie, personnalité pathologique

  • Psychothérapie: anxiété de fond, trouble du désir, éjaculation rapide
  • Anxiété de fond: psychotropes
  • Anxiété de performance: réassurance
  • Problème relationnel au premier plan: thérapie de couple, sexothérapie

Contre-indications aux iPDE-5

  • Dérivés nitrés et donneurs de NO au long cours ou dans les 24h précédentes (48h pour tadalafil)
  • Infarctus du myocarde récent ou angor instable
  • Accident cardiovasculaire < 6 mois
  • Insuffisance cardiaque sévère non contrôlée
  • Insuffisance hépatique sévère
  • Hypotension < 90/50 mmHg (interaction alpha-bloquants ++)
  • Tadalafil
    • Troubles du rythme ou hypertension artérielle non contrôlée
    • Intolérance au galactose, déficit en lactase de Lapp ou malabsorption du glucose-galactose
  • Sildénafil, vardénafil: rétinite pigmentaire

Précautions avant prescription d’IPDE5

Avis cardiologique systématique en antécédents cardiovasculaires, sédentaire ou ne remplissant pas les conditions ci-dessous.

Possible sans avis cardiologique si:

  • Capable de monter facilement 2 étages et 20 minutes de marche par jour
  • Sans signes cardiovasculaires à l’effort
  • ≤ 3 facteurs de risque cardiovasculaire

Autres précautions:

  • Polymédication: contrôler les interactions
  • Insuffisance rénale: utiliser le dosage minimal
  • Déformation pénienne (Lapeyronie, sclérose des corps caverneux): avis urologique
  • Pathologie hématologique (drépanocytose, myélome, leucémie): avis hématologique
  • Paraphilie, psychose instable: avis psychiatrique

Effets indésirables des IPDE5

Des effets indésirables sont observés dans 2-16% des cas: Céphalées (+10%), bouffées vasomotrices, altération de la vision des couleurs réversible/vision floue, nausées, congestion nasale > dyspepsie, palpitations, douleurs dorsales, vertiges.

Les effets indésirables graves sont rares: allongement QT, IDM, NOIAA (3/100.000), surdité brutale irréversible.

Inhibiteurs de la phospho-diestérase de type 5 (iPDE-5)

Les IPDE5 sont le traitement de première intention de la dysfonction érectile.

Tadalafil 10 mg (Cialis®, gén). Possibilité d’augmenter à 20 mg (max 1/j, délai 30 min, efficace 12 heures, contrôler les interactions).
Pas de retard absorptif dus à l’alimentation ou l’alcool.

Ou Sildénafil 50 mg (Viagra®, gén) à la demande (max 1/j). Selon l’effet, utiliser de 25 à 100 mg (délai 25 min, efficace 4-5 heures, contrôler les interactions).

Tadalafil en continu

Débuter à 2,5 mg x 1/j. Max 5 mg en 1 prise quotidienne.
Proposer le tadalafil en continu si traitement efficace et ≥ 2 utilisations par semaine ou pour le diabétique.
Il améliore également les troubles du bas appareil urinaire de l’homme (SBAU).

Autres IPDE5 à la demande: vardénafil, avanafil (Spedra®).
Les IPDE5 ont une efficacité de 65 à 85% (52-72 % en cas de diabète et toujours élevée après prostatectomie) et le même profil de sécurité / tolérance.

Explications systématiques sur les IPDE5

Les informations suivantes doivent être données au patient, car il s’agit d’une grande cause d’échec:

  • Facilitateur de l’érection, à la demande ou en continu selon la molécule, nécessitant une stimulation sexuelle
  • L’effet peut être visible dès la 1re prise mais les résultats peuvent s’améliorer au fil du traitement
  • La prise du traitement n’oblige pas à un rapport. Efficacité prolongée de 5 heures (12 pour le tadalafil)
  • Nécessite au moins 4-6 essais avant échec. Réévaluation systématique à 1-2 mois
  • Acheter le traitement uniquement en pharmacie (prix libre = comparer les pharmacies)
  • Autres traitements disponibles en cas d’inefficacité
  • Nécessite le souhait partagé d’un rapport et d’attendre l’absorption intestinale, la durée d’efficacité permet d’avoir le temps

Autres traitements médicamenteux de la dysfonction érectile

Les traitements suivants ne relèvent pas de la prise en charge du médecin traitant (sauf formation solide):

  • Injections intra-caverneuses (IIC) de prostaglandines alprostadil (Caverject®, Edex®)
    Efficacité 55-93%, remboursables 30% sur ordonnances d’exception.
  • Prostaglandines en crèmes intra-urétrales alprostadil (Muse® NR, Vitaros®)
    Efficacité 50%, Vitaros® remboursable 15% sur ordonnances d’exception chez certains patients.
    Contre-indiqué avec femme en âge de procréer (sauf préservatif).
  • Vacuum (eff. 40-80%)
  • Chirurgie: Implants péniens (satisfaction 79-98%)
  • Hormones
    Androgénothérapie, prescription initiale réservée aux endocrino/uro/gynécologues.

L’association à une éjaculation précoce est fréquente et l’utilisation de dapoxétine (Priligy®) est possible.

Réévaluation de l’impuissance systématique sous 1-2 mois: compréhension et utilisation du traitement, efficacité, effets secondaires, satisfaction personnelle et de la partenaire.

Si échec après 4 à 6 essais

Augmenter le dosage de l’IPDE5 (sans dépasser la posologie maximale)
Ou proposer un traitement médicamenteux quotidien (tadalafil 5 mg)
Ou proposer un autre IPDE5

  • Réévaluer les interactions médicamenteuses
  • Vérifier le bilan organique

Si persistance de l’inefficacité

Avis et suivi spécialisé (urologue, sexologue, psychiatre selon)
ET évoquer les autres traitements de la DE
ET suivi spécialisé de maladie chronique

Examen clinique de suivi annuel.

Explications devant toujours accompagner la prescription d’un traitement sexo-actif:

  • Mode d’action, forme et posologie
  • Effets indésirables possibles
  • Respect des modalités de prise
  • Nécessité d’une stimulation sexuelle afin de respecter les conditions physiologiques de survenue d’une érection, et respect des préliminaires
  • Éviter d’abandonner trop rapidement le rapport sexuel. Bien souvent l’érection peut revenir si l’on associe une stimulation adéquate
  • Les comportements de pénétration hâtive, de précipitation ou d’insistance doivent être évités car ils aggravent les problèmes d’érection
  • Plusieurs prises peuvent être nécessaires avant d’être satisfait d’un traitement de l’érection

AIUS