Hypertrophie bénigne de la prostate (HBP)

Hyperplasie bénigne de la prostate, prostatisme

EAUAFUMis à jour

Résumé des recommandations pour le généraliste

  • L’hypertrophie bénigne de la prostate (HBP) est une pathologie bénigne liée à l’âge pouvant entraîner des troubles urinaires et des complications (rétention d’urines, insuffisance rénale …)
  • Ces recommandations sont limitées au traitement de l’HBP non compliquée chez l’homme de +40 ans
  • Le diagnostic d’HBP est clinique avec des symptômes du bas appareil urinaire (SBAU) et un toucher rectal obligatoire
  • Rechercher des troubles de la libido, une dysfonction érectile ou de l’éjaculation
  • Nycturie: agenda mictionnel (PDF) sur 3 jours, recherche d’apnées du sommeil et avis urologique
  • Bilan initial de l’hypertrophie de la prostate: score IPSS, ECBU et mesure du résidu post-mictionnel (EAU) voire PSA, créatininémie et échographie
  • Prise en charge de l’hypertrophie prostatique: mesures hygiéno-diététiques et selon l’intensité des symptômes: abstention, alpha-bloquant ou autres
  • Suivi de l’HBP: symptômes urinaires et sexuels, tolérance et efficacité des traitements
  • Avis urologique si: toucher rectal non fait, symptômes atypiques, examen ou ECBU anormal, échec du traitement, complication …

Hypertrophie bénigne de la prostate (HBP)
Augmentation bénigne du volume de la prostate liée à l’âge, le plus souvent asymptomatique.
L’HBP est la première cause de symptômes du bas appareil urinaire (SBAU) chez l’homme de plus de 50 ans: elle est dite HBP clinique. Moins d’un tiers des hommes sont gênés après 65 ans.
Complications chroniques de l’hypertrophie prostatique: vessie de lutte, lithiase vésicale de stase, insuffisance rénale chronique obstructive et hernie pariétale. L’HBP n’augmente pas le risque de cancer de la prostate.
Complications aiguës: rétention aiguë d’urines, infections urinaires et génitales, hématurie initiale et insuffisance rénale aiguë obstructive.

Aucun parallélisme entre la symptomatologie obstructive ou irritative et le volume prostatique


Après 60 ans, une seule miction nocturne et un intervalle de 4 heures entre 2 mictions est considéré comme normal

Abréviations

AFU
Association Française d’Urologie
EAU
Association européenne d’urologie (European Association of Urology)
HPB
Hypertrophie bénigne de la prostate
I5AR
inhibiteur de la 5alpha-réductase
IPDE5
inhibiteur de la phosphodiestérase de type 5
RPM
résidu post-mictionnel
RTUP
résection transurétrale de prostate
SBAU
symptôme du bas appareil urinaire
TR
toucher rectal

Le diagnostic d’hypertrophie bénigne de prostate est clinique.

Évoquer un cancer de la vessie devant toute symptomatologie chez un fumeur

Interrogatoire

  • Antécédents médicaux
    Neurologiques, diabète, chirurgicaux, urinaires (infection, hématurie), radiothérapie pelvienne.
  • Traitements en cours
  • Tabagisme
  • Recherche de complications
    Rétention aiguë d’urines, infection urinaire récidivante, hématurie macroscopique, diverticule vésical symptomatique, lithiase vésicale.
  • Terminologie des symptômes du bas appareil selon l’International Continence Society (ICS):
    • Phase de remplissage
      Pollakiurie diurne et nocturne, urgenturie (impériosité mictionnelle), nycturie, incontinence urinaire.
    • Phase mictionnelle
      Retard à l’initiation de la miction, dysurie, jet faible, interruption de la miction, jet haché, miction par poussée abdominale.
    • Phase post-mictionnelle
      Gouttes retardataires, sensation de vidange vésicale incomplète.
  • Signes négatifs
    Douleurs périnéales, fièvre, hématurie, antécédents urologiques, facteur de risque de sténose de l’urètre, anomalies neurologiques, malposition ou sténose du méat.
  • Facteurs aggravants
    Traitements par testostérone, alpha-stimulants, atropiniques.
  • Qualité de vie
    • Sensation de vessie non vidée, besoin d’uriner en sortant des toilettes, interruption du jet, difficultés à se retenir, diminution de la taille et la force du jet, mictions nocturnes.
    • Score IPSS
  • Dysfonction érectile: score IIEF-5
  • Nycturie ou gêne de remplissage: agenda mictionnel (PDF) (sur ≥ 3 jours)
  • Nycturie: rechercher des apnées du sommeil

Examen clinique

  • Poids, taille, IMC
  • Déficit des membres inférieurs
  • Aspect des pénis, méat et bourses
    Recherche: écoulement urétral, sténose du méat, phimosis, cancer du pénis.
  • Globe vésical
  • Toucher rectal: prostate volumineuse (> 20mL), ferme, indolore, lisse, régulière avec disparition du sillon médian.
    Avis urologique si non fait.
  • Bandelette urinaire

Absence de relation entre la sévérité des troubles et le volume prostatique

Le diagnostic différentiel dépend du syndrome clinique

Tableau. Diagnostic différentiel de l'hypertrophie bénigne de la prostate selon le Collège Français des Enseignants en Urologie (CFEU) 2021
SyndromeDiagnostic différentiel
Nycturie prédominante
ou isolée
Polyurie nocturne (diurétiques, modification du rythme nycthéméral, SAOS), polyurie des 24 heures (diabète, potomanie) et troubles du sommeil. Agenda mictionnel
Phase de remplissageTumeur de vessie, vessie neurologique centrale, prostatite, calcul ou corps étranger vésical
Mictionnels ou post-mictionnelsCancer de la prostate, sténose de l’urètre, maladie du col vésical, hypotonie détrusorienne (+80 ans ou RPM > 300 mL)

Bilan d’hypertrophie bénigne de prostate (HBP) de première intention:

  • BU ou ECBU
    Seul examen complémentaire recommandé de façon systématique par la EAU.
  • Mesure du résidu post-mictionnel (RPM)
    Quantification par échographie ou Bladder scan. Positif si > 50 mL.
  • ± PSA (si traitement envisageable)
  • ± Créatininémie avec DFG CKD-EPI (si facteurs de risque)
  • ± Échographie réno-vésico-prostatique
    Indications: volumineux résidu post-mictionnel, hématurie ou antécédents de lithiase urinaire.
  • RPM > 150 mL: débitmétrie urinaire (EAU 2022)

Bilan de l’HBP selon EAU 2022 et AFU 2015

Le bilan urodynamique et les autres examens sont réservés à l’urologue.

Indications à une réévaluation de l’HBP par l’urologue

  • Symptômes atypiques
    Urgenturie ou nycturie isolée, incontinence urinaire, maladie neurologique, sténose urétrale connue.
  • Examen clinique anormal
    Globe vésical, toucher rectal non réalisable ou avec nodule ou induration, phimosis serré.
  • ECBU anormal
  • Échec du traitement médical
  • Avant traitement anticholinergique
  • Augmentation du PSA sous inhibiteur de la 5-alpha-réductase
  • Obstruction sévère ou complication
    Symptômes sévères, rétention aiguë d’urines, insuffisance rénale, prostatite aiguë, calcul ou diverticule de la vessie, résidu post-mictionnel > 100 mL.

AFU 2015

Informer le patient sur le caractère bénin et les modalités existantes pour un choix éclairé. Absence de supériorité d’un traitement médical par rapport à un autre.

Une première réévaluation est nécessaire à 6 mois.

Mesures hygiéno-diététiques

Mesures hygiéniques pour tous les patients rapportant des SBAU liés à une HBP:

  • Réduction des apports hydriques après 18 heures ou avant d’aller dans les lieux publics
  • Réduire les consommations d’alcool et de café
  • Traitement d’une constipation
  • Arrêt des traitements favorisants (anticholinergiques, neuroleptiques) et décalage des traitements (diurétiques)
  • Drainage urétral en fin de miction
  • Techniques de distraction pour ignorer les symptômes vésicaux
    Compression du pénis, respiration, pression périnéale.
  • Ré-entraînement vésical pour tolérer de plus grandes capacités de réplétion vésicales

Abstention-surveillance

Indication: HBP non compliquée avec symptômes légers ou acceptables (score IPSS ≤ 7-8) avec gêne minime.

Phytothérapie

Indication à la phytothérapie: symptômes gênants.

Elle ne peut pas être associée aux autres traitements.
Chaque formulation est très différente empêchant des études de qualité. L’EAU 2017 ne peut se prononcer.

  • Pygeum Africanum (Tadenan®, non disponible)
  • Serenoa Repens 160 mg x 2/j (Permixon®, Prodinan®, Sereprosta®, AMM pour 6 mois de traitement)
    Cochrane: pas de supériorité au placebo.

Alpha-bloquants

Alfuzosine LP 10 mg après le dîner ou 2,5 mg x 3/j au long cours (x 2/j si âgé)


Contre-indications: allergie à l’alfuzosine, hypotension orthostatique, insuffisance hépatique, insuffisance rénale sévère, association CYP3A4.
Effets indésirables: fatigue, vertiges, hypotension orthostatique, syncope avec risque de fracture (OR 1,16) survenant surtout en début de traitement, troubles de l’éjaculation. Ne pas initier avant chirurgie de la cataracte.
Attention aux associations avec antihypertenseurs et aux conducteurs de véhicules.

Indication: symptômes gênants.

Alpha-bloquants disponibles: alfuzosine, doxazosine, prazosine, silodosine (absence d’hypotension selon EAU 2022), tamsulosine, térazosine.

Efficace en 48 heures. Consultation de contrôle précoce pour évaluer l’efficacité.

Un alpha-1 bloquant peut être associé aux inhibiteurs de la 5α-réductase chez les hommes avec gêne modérée à sévère et prostate +40 mL, voire un anticholinergique ou un agoniste bêta-3 sur avis spécialisé.

Inhibiteurs de la 5-alpha-réductase (I5AR)

Dutastéride 0,5 mg x 1/j au long cours

Indication aux I5AR: symptômes gênants et prostate +40mL.

Effets indésirables: dysfonction érectile et éjaculation rétrograde, baisse de la libido, gynécomastie, troubles psychiatriques (anxiété, dépression). Délai d’apparition de 1 an.

Efficace après 6 mois de traitement, réduction du volume prostatique sur plusieurs années.
Seule classe à réduire le risque de rétention aiguë d’urines.

Peut être associé à un alpha-bloquant (tamsulosine + dutastéride Combodart® ou gén) chez les hommes avec symptômes gênants et prostate +40 mL.

  • Dutastéride 0,5 mg (Avodart®, gén)
  • Finastéride 5 mg (Chibro-Proscar®, gén)
    Surveillance renforcée de l’ANSM pour troubles sexuels et psychiatriques.

Inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5 (IPDE5)

Indication aux IPDE5: symptômes gênants avec ou sans dysfonction érectile.

Tadalafil 5 mg (Cialis® ou gén, seul avec l’AMM mais non remboursé) avec surveillance du PSA annuelle.

Utilisation possible en bithérapie avec un alpha-bloquant.

Effets indésirables: hypotension artérielle, contraception efficace nécessaire (agénésie des organes génitaux).

Les IPDE5 entraînent une diminution du PSA de moitié (McConnell 2003)

Anticholinergiques

Indication: en bithérapie avec un alpha-bloquant sur avis urologique en cas de symptômes de remplissage persistants, en l’absence de résidu post-mictionnel de +150 mL.

Molécules: fésotérodine, oxybutynine, solifénacine, toltérodine, trospium chlorure.

Agoniste bêta-3

Indication: symptômes gênants (modérés à sévère) avec symptômes de remplissage.

Une seule molécule non remboursée: mirabégron (Betmiga®).

Chirurgie prostatique

Indications à la chirurgie de la prostate pour hypertrophie bénigne de la prostate: HBP compliquée, SBAU modérés ou sévères résistants au traitement médical, préférence du patient.

Pour en savoir plus: Méthodes chirurgicales

Absence de supériorité d’une technique pour la chirurgie de l’hypertrophie bénigne de la prostate.

  • Résection transurétrale de prostate (RTUP) uni ou bipolaire
    Volume < 80 mL. Référence. 75% ont éjaculation rétrograde post-opératoire.
  • Incision cervicoprostatique (ICP)
    Prostate < 30 mL.
  • Adénomectomie par voie haute (AVH, prostatectomie)
    Technique obsolète, prostate +80 mL.
  • Autres techniques
    • Micro-ondes transurétrales. Alternative pour patients âgées ou risque anesthésique élevé
    • Laser YAG: alternative à la RTUP
    • Autres lasers
    • Implant UroLift®

Traitement palliatif

Le traitement palliatif concerne les patients ne pouvant être opérés pour des symptômes invalidants de l’hypertrophie bénigne de la prostate.

Il peut être une sonde urinaire, des auto-sondages intermittents ou un cathéter sus-pubien à demeure.

La première consultation est réalisée à 6 mois puis annuellement.

Le suivi du patient traité pour HBP est principalement clinique:

  • Symptômes urinaires (score IPSS)
  • Symptômes sexuels (score IIEF-5)
  • Tolérance et efficacité des traitements
  • IPDE5 tadalafil: PSA annuel

Avis urologique en cas de d’échec des traitements, de symptômes anormaux (hématurie), avant anticholinergique.

graph TB
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Figure. Prise en charge de l'hypertrophie bénigne de la prostate (HBP). Dr JB Fron d'après EAU 2022 et AFU 2015.

DE = dysfonction érectile