Hyponatrémie

Hyperhydratation intracellulaire

CUENERBPMis à jour

Résumé des recommandations pour le généraliste

  • Ces recommandations pour la prise en charge de l’hyponatrémie concernent l’adulte
  • Une hyponatrémie est une natrémie inférieure à 135 mmol/L. C’est un trouble du bilan de l’eau
  • Rechercher des signes de gravité: Na < 125 mmol/L, installation en -48h, vomissements, défaillance hémodynamique, somnolence, convulsions
  • Les causes les plus fréquentes d’hyponatrémie sont: iatrogène surtout (diurétique thiazidique, antidépresseurs dont IRS, antipsychotiques, anti-épileptiques), insuffisance surrénale ou cancer
  • Rechercher une hyponatrémie en cas de: nausées, céphalées, chutes, troubles cognitifs, somnolence, potomanie
  • Évaluer l’état d’hydratation et bilan de l’hyponatrémie: ionogramme, créatininémie, glycémie pour le calcul de la natrémie corrigée et de l’osmolalité plasmatique (voir Examens complémentaires)
  • La prise en charge de l’hyponatrémie est surtout étiologique. Elle est urgente en cas de signes de gravité et spécialisée sauf si asymptomatique répondant au traitement (arrêt du traitement causal principalement)
  • L’hyponatrémie de l’enfant relève exclusivement du spécialiste pédiatrique (endocrinologue, néphrologue)

Hyponatrémie
Trouble du bilan de l’eau avec une hyperhydratation intracellulaire objectivée par une natrémie < 135 mmol/L (ERBP 2014). Il s’agit de l’anomalie hydro-électrolytique la plus fréquente, causée par une hypo-osmolalité plasmatique (excès d’eau ou excès de rétention d’eau).
Elle est dite aiguë en cas d’installation brutale en moins de 48 heures (grave) ou chronique ou d’ancienneté inconnue dans les autres cas.
Le plus souvent, l’origine est iatrogène: diurétiques (thiazidiques ++), antidépresseurs, antipsychotiques, anti-épileptiques.
Les autres causes fréquentes sont l’insuffisance surrénale et les cancers.
Complications d’une hyponatrémie (même légère): risque de chutes, ostéoporose (OR 4 si chronique) et fractures de fragilité (OR 4,6), notamment chez la personne âgée, troubles cognitifs par œdème cérébral voire décès. La correction trop rapide d’une hyponatrémie peut également causer une myélinolyse centro-pontine gravissime.

Classification de l’hyponatrémie

Tableau. Classification de l'hyponatrémie selon ERBP 2014
GradeNatrémie (mmol/L)
Légère130-134
Modérée125-129
Profonde< 125

Étiologie de l’hyponatrémie

  • Iatrogénie
    Diurétiques (thiazidiques ++), antidépresseurs (fluoxétine), antipsychotiques, anti-épileptiques (carbamazépine).
  • Insuffisance d’organe
    • Insuffisance surrénale (hyperkaliémie)
    • Hypothyroïdie profonde avec myxœdème
    • Insuffisance cardiaque, rénale avancée ou hépatocellulaire
  • Affection aiguë (neurologique, pulmonaire)
  • Paranéoplasique
  • Psychiatrique: polydipsie (schizophrénie ++)

Abréviations

CUEN
Collège Universitaire des Enseignants de Néphrologie
ERBP
European Renal Best Practice
SIADH
syndrome de sécrétion inappropriée d’ADH

Drapeaux rouges d’une hyponatrémie

Situations où une hyponatrémie nécessite une prise en charge urgente:

  • Hyponatrémie < 125 mmol/L (avis spécialisé urgent si 125-129 mmol/L)
  • Hyponatrémie aiguë (installation en < 48h)
  • Symptômes sévères
    • Vomissements
    • Défaillance cardiorespiratoire
    • Somnolence excessive
    • Convulsions
    • Coma avec score de Glasgow ≤ 8

ERBP 2014

Peu de relation entre la symptomatologie et la profondeur de l’hyponatrémie

Interrogatoire

Les signes et symptômes de l’hyponatrémie sont aspécifiques:

  • Antécédents
    Chirurgie ou coloscopie récente, neurologiques, hypophysaires, thyroïdiens, psychiatriques.
  • Pathologies récentes
  • Traitements en cours
    Peuvent induire un SIADH: diurétiques (thiazidiques responsables jusqu’aux 3/4 chez le sujet âgé), antidépresseurs (IRS dont citalopram ++), antipsychotiques, anti-épileptiques (carbamazépine).
  • Toxiques (amphétamines, ecstasy)
  • Activité physique
  • Hyponatrémie
    • Ancienneté
    • Fluctuations et traitements essayés
    • Apports hydriques (potomanie, bière, thé)
    • Apport alimentaires (dont liquides)
  • Symptômes sévères
    • Vomissements
    • Défaillance cardiorespiratoire
    • Somnolence excessive
    • Convulsions
    • Coma avec score de Glasgow ≤ 8
  • Symptômes modérément sévères
    • Nausées sans vomissements
    • Confusion
    • Céphalées
  • Autres symptômes
    • Chutes, fractures, dépister les autres facteurs de risque d’ostéoporose
    • Suspicion de malignité: AEG

Une suspicion de SIADH paranéoplasique impose un avis néphrologique urgent (IRM cérébrale et scanner thoracique)

Examen clinique

Évaluer l’hydratation globale et les signes neurologiques.

  • Poids, taille, IMC et variations
  • Pression artérielle couché et debout, fréquence cardiaque
  • +65 ans: évaluation gériatrique
  • Évaluation du secteur extracellulaire
    • Hypervolémie: Œdèmes des membres inférieurs, ascite, hypertension artérielle, prise de poids
    • Euvolémie: Pas de critères d’hypo ou d’hypervolémie
    • Hypovolémie (déshydratation extracellulaire): Tachycardie, hypotension artérielle, hypotension orthostatique, soif, sécheresse muqueuse, pli cutané, oligurie, hypotonie des globes oculaires, signes absents (œdèmes, ascite)

Bilan d’une hyponatrémie

Bilan de première intention d’une hyponatrémie:

  • Ionogramme sanguin
  • Créatininémie et DFG
  • Urémie
  • Glycémie
  • Osmolalité plasmatique = natrémie x 2 + glycémie (mmol/L)
  • Hypovolémie ou euvolémie: TSH et cortisol à 8 heures
  • Si osmolalité plasmatique élevée:
    • Natriurèse, kaliurièse, glycosurie et urée urinaire sur échantillon
    • pour le calcul de l’osmolalité urinaire sur échantillon (chacun en mmol/L) = (NaU + K U) x 2 + glycosurie + Urée U mOsm/kg H2O

NB. Les analyses urinaires et sanguines doivent être concomitantes.

Le calcul de la natrémie corrigée est nécessaire en cas d’hyperglycémie:

Nacorrigée = Namesurée + 0,3 x (glycémie (mmol/L) - 5)
(CUEN)

La découverte d’une hyponatrémie inférieure à 125 mmol/L est une urgence. Avis spécialisé urgent de 125-129 mmol/L ou en cas de symptômes

L’apport de sel n’améliore pas l’hyponatrémie qui est un trouble du bilan de l’eau

La prise en charge de l’hyponatrémie est étiologique (pathologie ou médicament en cause) et le traitement symptomatique consiste en une restriction hydrique (500-750 mL/j).

La correction d’une hyponatrémie chronique doit toujours être très progressive pour prévenir une myélinolyse centro-pontine.

Recommandations pour la prise en charge d’une hyponatrémie légère asymptomatique

  • Surveillance simple clinique et de la natrémie
  • ou arrêt/substitution du traitement suspect pendant 2 semaines avec contrôles de la natrémie
    Ex: citalopram, diurétique thiazidique
  • Réduire des apports hydriques excessifs (thé, bière)

Avis spécialisé endocrinologique et néphrologique en cas d’hyponatrémie inexpliquée ou persistante.

NB. Ionogramme au moins annuel en cas de traitement à risque (diurétique thiazidique ++).

Pour en savoir plus: prise en charge du SIADH

La prise en charge est spécialisée (endocrinologique, néphrologique), étiologique si possible et peut comporter:

  • Restriction hydrique 500 mL/j
  • Tolvaptan (inhibiteur récepteur vasopressine-2)

graph TB
hyponatrémie["Hyponatrémie
Na < 135 mmol/L"] --> gravité("Signes de gravité ?

- Na < 125
- Installation < 48h
- Vomissements
- Défaillance viscérale
- Somnolence, conscience
- Convulsions") style hyponatrémie stroke:#4150f5, stroke-width:1px gravité -- Non --> clinique("Clinique

- Traitement à risque (diurétique, IRS)
- Signes hyper/déshydratation
- Infection intercurrente
- Apports hydriques
- Diurèse
- Chutes
- Troubles cognitifs
- AEG, malignité") --> bilan("Bilan biologique

- Natrémie
- Glycémie
- Calculs: Na corrigée et
osmolalité plasmatique") bilan -- Normale --> normale("285 ± 5 mOsm/kg
=
Hyponatrémie
isotonique

- Hyperlipidémie
- Hyperprotidémie") bilan -- Basse --> basse("< 275 mOsm/kg
= Hyponatrémie hypotonique") --> osmU(Osmolalité urinaire
sur échantillon) -- "≤ 100" --> NaUbasse("- Polydipsie
- Apports faibles en solutés
- Buveur de bière") osmU -- "> 100" --> extracellulaire("Évaluation du
compartiment extracellulaire


Clinique + concentration en NaU") extracellulaire -- Hypovolémie --> hypovolémie("NaU (mmol/L) ?") -- "NaU ≤ 30" --> pertes("- Pertes cutanées,
digestives
- 3e secteur: brûlure,
pancréatite") hypovolémie -- "NaU > 30" --> rénal("Pertes rénales: diurétique,
insuff. surrénale,
cerebral salt washing") extracellulaire -- Euvolémie --> euvolémie("Euvolémie et
NaU > 30 mmol/L:
- SIADH
- Hypothyroïdie
- Insuffisance surrénale") extracellulaire -- Hypervolémie --> hypervolémie("Insuffisance d'organe:
cardiaque, hépatique,
rénale, sd néphrotique") bilan -- Élevée --> élevée("> 300 mOsm/kg
= Hyponatrémie hypertonique

- Hyperglycémie
- Solutés hyperosmolaires") gravité -- Oui --> urgence("Urgences ± SAMU")
Figure. Conduite à tenir pour la prise en charge d'une hyponatrémie. Dr JB Fron d'après CUEN 2023, Jacob 2019 et ERBP 2014.

Osmolalité plasmatique (mOsm/kg H2O) = natrémie x 2 + glycémie (mmol/L) (CUEN)

En l’absence d’orientation étiologique ou d’efficacité d’un traitement étiologique simple (ex. substitution d’un diurétique), adresser au spécialiste (endocrinologue, néphrologue) avec le bilan de deuxième intention ciblé.