Obésité de l'adulte

HASFFNMis à jour

Résumé des recommandations pour le généraliste

  • L’obésité est une maladie qui affecte le bien-être physique, social et psychologique et touche 17% des Français
  • Le diagnostic d’obésité de l’adulte est clinique avec un indice de masse corporelle (IMC) supérieur à 30 kg/m² (dite morbide ou classe 3 à partir de 40)
  • « Demander l’accord de la personne pour aborder le poids » (HAS 2023)
  • Un niveau adapté de prise en charge des personnes en obésité est requis (voir Niveau adapté):
    • Centre spécialisé de l’obésité (CSO, annuaire) si: IMC ≥ 50, insuffisance d’organe, grabataire, cause génétique, échec de chirurgie bariatrique
      ou IMC 35-50 avec aggravation d’une maladie chronique, périmètre de marche 100-200 m, hyperphagie boulimique, psychiatrique sévère, obésité secondaire, échec de niveau 2
    • Nutritionniste si IMC 35-50 kg/m² avec : pathologie cardiovasculaire déséquilibrée (HTA résistante, diabète déséquilibré, NASH, SAHOS sévère), aggravation d’une maladie chronique sans risque majeur, impact marqué sur la qualité de vie, boulimie, échec du niveau 1 …
  • Indications à la chirurgie bariatrique: IMC ≥ 40 ou ≥ 35 avec comorbidité pouvant s’améliorer (HTA, SAHOS, DT2, NASH) avec échec des prises en charges antérieures (voir Niveau adapté)
  • Dépister les complications de l’obésité (voir Dépistage)
  • Les mesures de prise en charge de l’obésité de l’adulte sont: activité physique 150-300 minutes d’intensité modérée par semaine, perte de poids 5-15%, évaluation nutritionnelle et sensations alimentaires, éducation thérapeutique, soutien psychologique, association de patients CNAO
  • Les prescriptions (dont GLP-1) sont réservées au nutritionniste
  • Adaptation des antibiotiques chez le sujet en obésité

Le généraliste est considéré comme appartenant au niveau 1 de la prise en charge de l’obésité.

Obésité
Maladie chronique la plus fréquente en nutrition (17% de la population), évolutive et sans tendance spontanée à la guérison. Elle est définie comme une maladie car elle affecte le bien-être physique, social et psychologique.
Pour l’OMS l’obésité est un « excès de masse grasse entraînant des conséquences néfastes pour la santé ». Pour approcher cette masse grasse, on utilise la corpulence avec l’indice de masse corporelle (IMC, en kg/m²) ou indice de Quételet.
Chez l’adulte jeune en bonne santé, la masse grasse représente 10-15% du poids chez l’homme et 20-25% chez la femme.
Les déterminants du poids sont eux aussi multiples: environnementaux, psychologiques, sociaux, génétiques.
Tableau. Classification de la corpulence des adultes selon l'OMS 1998
DéfinitionIMC (kg/m²)
Surpoids25-29,99
Obésité modérée (classe 1)30-34,99
Obésité sévère (classe 2)35-29,99
Obésité morbide (classe 3)≥ 40
Obésité abdominale
Définition OMS 1998 pour les caucasiens: tour de taille de 88 cm ou plus pour une femme et 102 cm pour un homme.
L’accumulation de graisse viscérale est associée à l’augmentation de la mortalité cardiovasculaire et des maladies métaboliques.
La mesure du tour de taille: bras le long du corps en fin d’expiration normale, à mi-chemin entre le bord inférieur de la dernière côte palpable et le sommet de la crête iliaque.
Échec de prise en charge de l’obésité
Définition HAS 2022: perte de poids inférieure à 5% à un an ou absence de son maintien avec: poursuite de la prise de poids, incapacité à modifier durablement ses comportements ou aggravation des complications liées à l’obésité.
En cas d’échec à 6-12 mois, le patient doit être orienté vers un nutritionniste (niveau 2) qui pourra l’adresser à un centre spécialisé de l’obésité (CSO, niveau 3, annuaire PDF).
Restriction cognitive
« Limitation volontaire des apports alimentaires avec possibles privations, dans le but de contrôler son poids » (CEEDMM).

Épidémiologie de l’obésité en France

  • 1 adulte sur 2 est en surpoids ou en situation d’obésité (47,3%, ObÉpi 2020)
  • Prévalence de l’obésité: 17,4% chez la femme et 16,7% chez l’homme
Figure. Évolution de la prévalence de l'obésité chez l'adulte en France de 1997 à 2020. Dr JB Fron d'après ObÉpi 2020.
Figure 2. Évolution de la prévalence de l'obésité en France selon l'âge de 1997 à 2020. Dr JB Fron d'après ObÉpi 2020. NB: les abscisses ne sont pas linéaires.

Abréviations

FFN
Fédération Française de Nutrition
FRCV
facteur de risque cardiovasculaire
HAS
Haute Autorité de Santé
IMC
indice de masse corporelle
TCA
troubles des conduites alimentaires

« Demander l’accord de la personne pour aborder le poids » (HAS 2023)

Interrogatoire

  • Antécédents (dont TDAH, psychiatriques)
  • Facteurs de risque cardiovasculaire
  • Traitements en cours (neuroleptiques, antiépileptiques, corticoïdes, contraception)
  • Histoire pondérale
    • Âge de début
    • Facteurs déclenchants
    • Variations et rebonds
    • Traitements essayés
  • Comportement alimentaire
    • Dépister des troubles des conduites alimentaires (TCA) avec le questionnaire SCOFF
    • Repas, grignotage (dont nocturne), compulsions, aliments courants
    • Sensations alimentaires, déclenchement du repas, hyperphagie, tachyphagie, restriction cognitive
    • Tabous alimentaires, fausses croyances, sources de frustration et de désinhibition
  • Niveau d’activité physique et sédentarité: score GPAQ
  • Contexte psychopathologique
    Anxiété, dépression, image du corps, estime de soi, traumatismes/agressions, addictions.
  • Environnement social, familial, professionnel, financier, rythmes décalés
  • Retentissement sur la qualité de vie personnelle ou professionnelle
  • Comorbidités
  • Évaluation de la motivation aux changements
  • Handicap et autonomie (ADL, IADL), gonarthrose
  • Qualité de vie (EuroQoL-5D, SF-12)
  • Attentes et préférences, priorités, projets

Examen clinique

  • Poids, taille, IMC et leurs variations
  • Tour de taille
  • Répartition androïde ou gynoïde des graisses
  • Pression artérielle avec brassard adapté, fréquence et rythme cardiaque
  • Palpation thyroïdienne
  • Évaluation du risque cardiovasculaire: (Heart)SCORE2 (Android, iOS)
  • Rhumatologique: rachis, genoux, pieds
  • Cutané: intertrigo
  • Dénutrition et sarcopénie
  • Signes d’obésité secondaire
    • Signes spécifiques d’un syndrome de Cushing: obésité faciotronculaire avec amyotrophie proximale, signes cutanés (fragilité cutanée, ecchymoses, vergetures pourpres), hirsutisme, acanthosis nigricans (ENDO 2018)
    • Hypothyroïdie

Bilan initial de l’obésité de l’adulte

  • NFS
  • ASAT, ALAT, GGT
  • Uricémie
  • Ionogramme sanguin, créatininémie, DFG
  • Glycémie à jeun
  • Bilan lipidique
  • ECG de repos
  • Bilans spécifiques: voir Dépistage des complications

Bilan du CEEDMM

Complications à dépister chez un adulte en obésité.

Tableau. Rythme de dépistage des complications chez l'adulte en situation d'obésité. Dr JB Fron d'après Sociétés Savantes mentionnées
AppareilSoinsSource
Boulimie hyperphagiqueDépister les TCA avec questionnaire SCOFFHAS 2019
Cancer colorectalDépistage organiséINCa 2022
Cancer de l’endomètreÉchographie sus-pubienne et endovaginale si métrorragies post-ménopausiquesACOG 2020
Cancer de l’ovaireÉchographie sus-pubienne et endovaginale si symptômes (post-ménopausiques ++)INCa 2020
Cancer du pancréasScanner AP injecté si symptômesINCa 2020
Cancer du seinDépistage organiséINCa 2022
Contraception œstroprogestativeEn l’absence d’autre d’autre FRCVCNGOF 2018
DentaireSuivi annuelHAS 2023
Diabète type 2Dépistage par glycémie à jeun tous les 1-3 ansHAS 2023
DyslipidémieCholestérol total, HDL, LDL, triglycéridesESC/ESH 2021
EFRIndications: IMC ≥ 30 avec dyspnée NYHA 3-4, IMC ≥ 35 et SAHOS, IMC ≥ 40HAS 2023
Gaz du sangIndications: IMC ≥ 35, SpO2 < 94% ou CPT < 85%HAS 2023
GrossessePrise de poids limitée à 5-9 kgSFD 2022
Hypertension artérielleMesure avec brassard adapté tous les 1 à 3 ansESC/ESH 2021
Maladie rénale chroniqueCréatininémie, DFG et RAC min. tous les 3 ansHAS 2023
MicronutrimentsDosage si: chirurgie bariatrique, amaigrissement massif, symptômes carentielsHAS 2022
PodologiqueHaut risque d’atteinte podologiqueHAS 2020
Risque cardiovasculaire(Heart)SCORE2 (Android, iOS) tous les 5 ans à partir de 40 ans (sauf maladie CV, diabète) ou LIFE-CVD avantESC 2021
Stéatopathie métaboliqueSuspecter si cytolyse, hyperferritinémie ou insulinorésistance
et dépister par échographie abdominale ou score FLI tous les 3-5 ans
HAS 2022
Syndrome d’apnées du sommeilPolygraphie si IMC ≥ 35 ou signes évocateursHAS 2023
Vaccin grippeAnnuel si IMC ≥ 40 ou +65 ansCalendrier 2023

Autres complications de l’obésité: hyperuricémie et goutte, maladies cardiovasculaires, thrombose veineuse profonde, insuffisance veineuse, lithiases biliaires, protéinurie, HTIC, dépression.

Situations d’obésité nécessitant une prise en charge spécialisée (d’après HAS 2022).

Indications à une prise en charge de niveau 3 de l’obésité

Prise en charge par un centre spécialisé de l’obésité (CSO, annuaire PDF) si au moins 1 parmi:

  • IMC ≥ 50 kg/m²
  • Insuffisance d’organe
  • Périmètre de marche < 100 mètres, grabataire
  • Qualité de vie fortement dégradée
  • Troubles autistiques ou cognitifs
  • Obésité génétique
  • Échec de chirurgie bariatrique ou risque opératoire élevé
  • Indication de chirurgie bariatrique chez le mineur ou +65 ans

IMC de 35 à 50 et au moins un parmi:

Indications à une prise en charge de niveau 2 de l’obésité

Prise en charge par un nutritionniste pour un IMC de 35 à 50 kg/m² et au moins un parmi:

  • Pathologie cardiovasculaire déséquilibrée
    HTA résistante, diabète déséquilibré, NASH, SAHOS sévère.
  • Aggravation d’une maladie chronique sans risque majeur
  • Infertilité
  • SOPK
  • Impact marqué sur la qualité de vie et sur la santé
  • Pathologie psychiatrique avec impact pondéral ou comportemental
  • Facteur aggravant: douleurs chroniques (fibromyalgie), iatrogénie
  • Accès de boulimie épisodiques
  • Obésité persistante depuis l’enfance
  • Au moins 2 épisodes de rebond pondéral
  • Grossesse après chirurgie bariatrique
  • Échec de niveau 1

Liste des nutritionnistes sur Annuaire Ameli (endocrinologue).

Indications à la chirurgie bariatrique

« Il s’agit du seul traitement actuel de l’obésité ayant démontré son efficacité sur le long terme en termes de perte de poids et de réduction de certaines comorbidités » (CEEDMM)

La chirurgie bariatrique est décidée en réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP).

Les indications à une chirurgie bariatrique avec conditions sont:

  1. IMC ≥ 40 kg/m²
    ou IMC ≥ 35 avec au moins une comorbidité pouvant s’améliorer après la chirurgie (ex: HTA, SAHOS et autres troubles respiratoires sévères, diabète de type 2, maladies ostéoarticulaires invalidantes, stéato-hépatite non alcoolique)
  2. Échec d’un traitement médical, nutritionnel, diététique et psychothérapeutique bien conduit pendant 6 à 12 mois, en l’absence de perte de poids suffisante ou en l’absence de maintien de la perte de poids
  3. Patient bien informé
  4. Évaluation et prise en charge préopératoires pluridisciplinaires pendant plusieurs mois
  5. Patients ayant compris et accepté la nécessité d’un suivi médical et chirurgical à long terme
  6. Risque opératoire acceptable

HAS 2009

Les contraceptions orales doivent être réévaluées du fait du risque de malabsorption.

Informations sur la chirurgie bariatrique: SOFFCO et Je veux me faire opérer d’une chirurgie de l’obésité

Les complications de la chirurgie bariatrique

Complications fréquentes observées après une chirurgie de l’obésité: dénutrition, anémie et carences, troubles digestifs, dumping syndrome précoce (malaise post-prandial), hypoglycémies (by-pass).

Techniques de chirurgie bariatrique

Les techniques chirurgicales peuvent être: sleeve gastrectomie (gastrectomie longitudinale), Bypass gastrique en « Y », dérivation biliopancréatique.

L’anneau gastrique est désormais très peu utilisé (complications, ré-interventions).

Les prescriptions médicamenteuses (GLP-1) relèvent exclusivement des spécialistes de l’obésité

Un objectif doit être précis, atteignable, progressif, facile à mettre en œuvre, accepté et révisable.

La prise en charge de l’obésité associe:

  • Activité physique
    • Lutte contre la sédentarité
    • Cible: 150-300 minutes d’intensité modérée par semaine et renforcement x 2/semaine
    • Activité physique adaptée (APA) voire supervisée
  • Perte de poids adaptée à la physiologie
    Une perte de poids de 5-15% est recommandée (sauf sujet âgé, CEEDMM). Le maintien du poids peut être le premier objectif.
  • Prise en charge nutritionnelle
    • Avis diététique, nutritionniste voire centre spécialisé de l’obésité (voir Niveau adapté)
    • Écoute des sensations alimentaires: faim, satiété
    • Composante émotionnelle: psychothérapie TCC, pleine conscience
    • Régime méditerranéen
  • Conséquences
    • Estime de soi, confiance en soi, culpabilité, isolement, perte de motivation
    • Hypertension artérielle: privilégier IEC/ARA2 et anticalciques avant les bêtabloquants et thiazidiques
  • Programmes d’éducation thérapeutique locaux
  • Troubles du comportement alimentaire: psychologue, psychiatre, diététicien
  • Handicap: ergothérapeute
  • Autres intervenants: psychologue, psychiatre, médecin du travail, travailleur social
  • Associations de patients: Collectif National des Associations d’Obèses (CNAO)
  • Adaptation des doses d’antibiotiques: AbxBMI

« Les régimes déséquilibrés ou très restrictifs sont déconseillés » (HAS 2022) - < 1200 kcal/j ne sont pas conseillés (CEEDMM)

Suivi

  • Mesures au moins annuelles (IMC, tour de taille)
  • Adaptations alimentaires (sensations, troubles)
  • Bilan des complications (voir Dépistage des complications)
  • Si chirurgie: signes carentiels (neurologiques), de dénutrition, supplémentation multivitamines, calcium, vitamine D et B12

Indication à la prise en charge de l’obésité en SSR

  • Complications somatiques graves, invalidantes ou multiples
  • Suite de soins aigus nécessitant des équipements adaptés
  • Séjour prolongé
  • Rééducation motrice intensive

« Il n’y a pas d’interdits alimentaires » (CEEDMM)

Exemples de conseils alimentaires à proposer en situation d’obésité:

  • Limiter la consommation des aliments à forte densité énergétique, riches en lipides ou en sucres, et les boissons sucrées ou alcoolisées
  • Choisir des aliments de faible densité énergétique (fruits, légumes), boire de l’eau
  • Contrôler la taille des portions
  • Diversifier les choix alimentaires en mangeant de tout (ne pas éliminer les aliments préférés mais en manger modérément)
  • Manger suffisamment et lentement à l’occasion des repas, manger assis installé à une table
  • Structurer les prises alimentaires en repas et en collations en fonction des nécessités du mode de vie du sujet (en général, trois repas principaux et une collation éventuelle)
  • Ne pas sauter de repas pour éviter les grignotages entre les repas favorisés par la faim
  • Rassurer le patient quant à son droit au plaisir de manger, la convivialité des repas est souhaitable
  • Apprendre à lire les étiquettes d’information sur les emballages
  • Se consacrer au repas, être attentif à son assiette
  • Prêter attention aux sensations perçues lorsqu’on mange
  • Cuisiner si possible soi-même ou indiquer clairement les consignes à la personne qui cuisine
  • Proposer la même alimentation pour toute la famille (seules les quantités vont varier)
  • Limiter l’utilisation de matière grasse pour la cuisson

CEEDMM 2021