Spondylarthrite ankylosante

Spondyloarthrite, spondylarthropathie

SFRhumatoEULARMis à jour

Résumé des recommandations pour le généraliste

  • Évoquer une spondylarthrite ankylosante en cas de: dorso-lombalgies persistantes +3 mois, réveil nocturne, dérouillage matinal +30 minutes, aggravées au repos, diminuées à l’activité physique
  • Grande efficacité des AINS
  • Bilan devant une suspicion de spondylarthrite: bilan biologique + Radiographies et IRM des sacro-iliaques
  • Prise en charge de toute suspicion de spondyloarthrite par le rhumatologue
  • Suivi du patient sous biothérapie

Spondyloarthrite (SpA)
Maladie vaste englobant différentes entités auparavant différenciées: spondylarthrite ankylosante, rhumatisme psoriasique (Rpso), arthrites réactionnelles, rhumatismes inflammatoires associés aux MICI, spondyloarthrites indifférenciées et formes juvéniles (syndrome enthésite et arthrite).
Une importante partie de la prise en charge thérapeutique est commune pour le spondyloarthrites axiales et le rhumatisme psoriasique. Le passage d’une forme à l’autre est également relativement fréquent.

Facteurs de mauvais pronostic de la spondylarthrite ankylosante

  • Début avant 16 ans
  • Dactylite
  • Oligo-arthrite
  • Coxite
  • Raideur lombaire
  • VS > 30
  • Résistance aux AINS

Complications

  • Amylose AA
  • Syndrome ventilatoire restrictif
  • Insuffisance aortique et troubles de la conduction (BAV)
  • Ostéoporose
  • Colonne bambou avec complications neurologiques

Formes de spondyloarthrite

On distingue les:

  • Spondylarthrites axiales (radiographiques ou non)
  • Périphériques articulaires (érosives ou non)
  • Périphériques enthésitiques
  • Atteintes extra-rhumatologiques: psoriasis cutané, uvéite, MICI
Spondylarthrite ankylosante (SpA)
Rhumatisme inflammatoire chronique potentiellement grave et handicapante survenant chez l’adulte jeune (< 35 ans).
Spondylarthrite la plus typique et la plus sévère. Atteinte rachidienne et sacro-iliaque conduisant à l’ankylose. Atteinte périphérique associée dans 50% des cas (uvéite surtout).
Arthrites réactionnelles
Arthrites aseptiques associées à une conjonctivite, urétrite homme/cervicite femme.
Survenue dans les semaines qui suivent une infection génitale ou digestive.
Au maximum syndrome de Fiessinger-Leroy-Reiter (triade arthrite-urétrite-conjonctivite).
Association au HLA-B27. Chronicisation dans 10-20% des cas voire évolution en SpA.
Germes impliqués: Chlamydia, Shigella, Yersinia, Salmonella, Campylobacter.
Spondylarthropaties indifférenciées
Remplissent les critères ESSG/Amor.

Abréviations

AINS
anti-inflammatoires non stéroïdiens
EULAR
European League Against Rhumatism
MICI
maladie inflammatoire chronique de l’intestin
Rpso
rhumatisme psoriasique
SFR
Société Française de Rhumatologie

Le diagnostic de spondylarthropathie relève du spécialiste.
Il est posé sur un faisceau d’arguments anamnestiques (antécédents familiaux de SpA, uvéite, psoriasis, MICI), cliniques et paracliniques et éventuellement HLA-B27 (en 2° intention).

Syndrome axial (ou pelvi-rachidien)

Signes et symptômes de l’atteinte axiale d’une spondyloarthrite:

  • Dorso-lombalgies inflammatoires chroniques
    • Durée > 3 mois, réveil nocturne, dérouillage matinal > 30 minutes, aggravées au repos, diminuées à l’activité physique
    • Débute à la charnière thoraco-lombaire avec évolution descendante puis ascendante
    • Raideur mesurée par l’indice de Schöber, ankylose avec disparition de la lordose lombaire (distance L3-mur)
  • Fessalgie (pyalgie) de sacro-iliite
    • Douleurs de fesses inflammatoire, uni/bilatérale ou à bascule avec examen neurologique normal
    • Signes négatifs: absence de trajet radiculaire, paroxysmes ou dysesthésies
  • Atteinte de l’articulation sterno-claviculaire et manubrio-sternale

Syndrome articulaire périphérique

  • Oligo-arthrite des membres inférieurs
    Genou > cheville et coxo-fémorale.
  • Atteinte inter-phalangienne distale (IPD) ou de l’ensemble de l’extrémité (dactylite, doigt en saucisse).
    Examen systématique des pieds.

Syndrome enthésopathique

Le syndrome enthésopathique le plus fréquent est la talalgie sous-calcanéenne ou postérieure (bilatérale ou à bascule), mais toutes les enthèses peuvent être atteintes avec un rythme inflammatoire (rotulienne ++).

Palpation systématique des enthèses (tubérosité tibiale, grand trochanter, ischion).

Syndrome extra-articulaire

Autres atteintes des spondylarthrites:

  • Uvéite antérieure
  • Psoriasis
  • Balanite
  • Urétrite
  • Entéro-colopathie inflammatoire (diarrhée, amaigrissement)
  • Troubles du rythme ou de la conduction et valvulopathies

Recherche systématique de MICI si diarrhée ou amaigrissement inexpliqué

Comorbidités

  • Antécédents
  • Traitements en cours
  • Tabagisme
  • Activité physique et corpulence (poids, taille, IMC)
  • Dépistages recommandés et mise à jour du calendrier vaccinal
  • Mesure de la pression artérielle et symptômes cardio-vasculaires
  • Palpation des aires ganglionnaires
  • Facteurs de risque d’ostéoporose et calcul du FRAX

Critères diagnostiques de spondylarthropathies d’Amor

6 points pour remplir les critères diagnostiques de spondylarthrite de la classification d’Amor:

  1. Douleurs nocturnes lombaires ou dorsales ou raideur matinale lombaire ou dorsale (1 point)
  2. Oligoarthrite asymétrique (2 pts)
  3. douleur fessière sans précision (1 pt)
    ou douleur fessière à bascule (2 pts)
  4. Doigt ou orteil en saucisse (2 pts)
  5. Talalgie ou toute autre entésopathie (2 pts)
  6. Iritis (2 pts)
  7. Urétrite non gonococcique ou cervicite moins d’un mois avant le début d’une arthrite (1 pt)
  8. Diarrhée moins d’un mois avant une arthrite (1 pt)
  9. Présence ou antécédent de psoriasis, ou de balanite, ou d’entérocolopathie chronique (2 pts)
  10. Sacro-iliite (stade > 2; 2 pts)
  11. Présence de l’antigène HLA-B27 ou antécédents familiaux de spondylarthrite, de syndrome de Reiter, de psoriasis, d’entérocolopathie chronique
  12. Amélioration en 48 heures des douleurs par anti-inflammatoires non stéroïdiens ou rechute rapide (< 48 heures) des douleurs à leur arrêt

Sensibilité 92%, spécificité 98%

Amor B, Dougados M, Mijiyawa M. Critères de classification des spondylarthropathies. Rev Rhum Mal Osteoartic. 1990.

Critères diagnostiques ESSG (European Spondylarthropathy Study Group)

Diagnostic formel de spondylarthropathie en présence d’un critère majeur ET d’un critère mineur.

Critères majeurs

  1. Synovites (passées ou présentes) asymétriques ou prédominant aux membres inférieurs
  2. Douleurs du rachis (lombaire, dorsal ou cervical passées ou présentes) avec au moins 3 critères parmi:
    • Début avant 45 ans
    • Début progressif
    • Améliorées à l’exercice
    • Raideur matinale
    • Depuis plus de 3 mois

Critères mineurs

  1. Antécédents familiaux de spondylarthrite, psoriasis, uvéite, arthrite réactionnelle, MICI
  2. Psoriasis (antécédent ou actif)
  3. Infection génitale ou digestive 1 mois avant l’arthrite
  4. MICI (antécédent ou active)
  5. Enthésopathie achilléenne ou plantaire
  6. Fessalgie à bascule
  7. Sacro-iliite radiologique
    Stade 2-4 bilatéral ou 3-4 unilatéral; 0 = normal; 1 = possible; 2 = modéré; 3 = évolué; 4 = ankylose.

Sensibilité 87%, spécificité 96%

Bilan devant une spondylarthrite

Recherche d’un syndrome inflammatoire biologique:

  • NFS
  • VS, CRP
    Syndrome inflammatoire modeste (60% des cas).
  • Bilan cardiovasculaire
    Glycémie à jeun, bilan lipidique pour calcul du (Heart)SCORE2 (Android, iOS).

Radiographies

  • Radiographies du rachis cervico-thoraco-lombaire de face et de profil
  • Bassin de face
Tableau. Classification radiologique de la sacro-iliite de la spondylarthrite ankylosante
StadeImage
Stade 0Inflammation de l’enthèse non visible en radio
Stade 1Érosion/irrégularité du cortex et ostéopénie sous-chondrale
de la zone d’enthèse
Stade 2Érosion avec ébauche d’apposition périostée
Stade 3Enthésophyte (ossification cicatricielle le long de l’enthèse)

NB. La sacro-iliite radiologique ne survient en moyenne que 7 ans après le début des symptômes.

IRM des sacro-iliaques et des rachis dorso-lombaires

L’IRM des sacro-iliaques et des rachis dorso-lombaires est importante pour un diagnostic précoce.

Objectif: rémission ou activité minimale de la maladie. Cibles objectivables définies avec le patient.

Résumé des recommandations pour la prise en charge de la spondylarthrite:

  • Suivi spécialisé systématique par le rhumatologue
  • Arrêt du tabac systématique Augmente la sévérité de la maladie et facteur de moindre réponse aux anti-TNF.
  • Activité physique quotidienne
  • Contrôle du poids L’obésité est facteur de résistance aux anti-TNF.
  • Comorbidités
    Cardio-vasculaires, ostéoporose, dépression, anxiété (échelle HAD).
  • AINS
    • AINS à libération prolongée en 1re intention pour couvrir le dérouillage
    • Souvent rechute douloureuse en < 48h après leur arrêt
    • Essai ≥ 2 molécules différentes pendant ≥ 15 jours chacune avant de conclure à l’inefficacité de chacune (aucun effet sur l’inflammation biologique). Échec nécessite d’envisager un biomédicament.
    • Utiliser à dose optimale (même si doses maximales), mais en conservant posologie et durée minimales
    • Selon Prescrire: ibuprofène (max 400 mg x 3/j selon le RCP, le spécialiste peut le majorer) et naproxène (max 550 mg x 2/j) ont le meilleur rapport bénéfice/risque parmi les AINS.
  • « La corticothérapie générale n’est pas justifiée dans la majorité des cas »
  • Antalgiques pour les douleurs résiduelles
  • Physiothérapie, ergothérapie, appareillages
  • Kinésithérapie en extension rachidienne
    • Travail d’amplitude respiratoire
    • Auto-exercices
  • Information et éducation du patient
  • ALD n°27 ± MDPH
    Critères: spondylarthrites ou apparentées justifiant un traitement de fond ou avec handicap lourd.
  • Soutien psychologique
  • Associations de patients
    Action contre les Spondylarthropathies, Association Française de Lutte Anti-Rhumatismale, Association France Spondyloarthrites, Spondyl(O)action
  • Participer à la recherche: cohorte ComPaRe

Arthrite périphérique

  • Infiltration de corticoïdes
  • Synoviorthèse isotopique

Enthésopathies

Infiltrations de corticoïdes.

Chirurgie

Indications: arthrite périphérique destructrice, ankylose rachidienne avec déformation majeure ou de fracture rachidienne.

Envisager une décroissance du biomédicament après 6 mois de rémission de faible activité de la spondyloarthrite

La prise en charge de la spondylarthrite par un traitement de fond relève du rhumatologue lors d’une réponse partielle aux AINS ou lorsque la maladie est évolutive.

Traitements conventionnels

Les traitements conventionnels (méthotrexate, léflunomide Arava®, sulfasalazine Salazopyrine®) n’ont pas d’indication dans la prise en charge d’une forme axiale ou enthésitique isolée.
Ils peuvent être envisagés en cas d’arthrite périphérique réfractaire au traitement symptomatique.

Biothérapies

Indications à la prise en charge de la spondylarthrite par biothérapie:

  1. SpA axiale
    • Réponse insuffisante aux AINS (symptômes persistants sous AINS pleine dose)
    • ET ASDAS-CRP ≥ 2,1 ou BASDAI ≥ 4
    • ET Rx+ ou inflammation IRM ou CRP+
  2. SpA périphérique enthésitique
    • Réponse insuffisante aux AINS ± infiltration
    • ET CRP élevée ou inflammation IRM
    • EVA ≥ 4
  3. SpA périphérique Articulaire
    • Réponse insuffisante aux AINS ± infiltration
    • ET échec ≥ 1 DMARD
    • ET NAG et NAD ≥ 3 (ou nombre inférieur si coxite ou arthrite réfractaire aux infiltrations ou progression radiographique)

Évaluation de l’efficacité à 3 mois. En l’absence d’efficacité à 6 mois le traitement doit être modifié.

Possibilité de survenue d’effets paradoxaux: déclenchement d’uvéite, psoriasis, maladie de Crohn de novo.
Rotation possible en cas de perte d’efficacité.
Réduction et espacement en rémission stable et prolongée.

Classes thérapeutiques

  • Anti-TNFα
    • Adalimumab (Humira® ou biosimilaires Amgevita®, Hulio®, Hyrimoz®, Idacio®, Imraldi®)
    • Certolizumab (Cimzia®)
    • Étanercept (Enbrel® ou biosimilaires Benepali®, Erelzi®)
    • Golimumab (Simponi®)
    • Infliximab (Remicade® ou biosimilaires Flixabi®, Inflectra®, Remsima®)
  • Anti-IL-17
    • Ixekizumab
    • Sécukinumab (Cosentyx®)

Bilan pré-thérapeutique et surveillance sous biothérapie.

Surveillance clinique

Consultation de suivi tous les 3 à 6 mois (au moins annuelle).

Une amélioration doit être obtenue à 3 mois pour poursuivre une stratégie, avec objectif de contrôle cible à 6 mois.

  • Score composite de contrôle de la maladie
    ASDAS si axial et DAS 28 si périphérique.
  • Auto-score BASDAI
    Réalisé la semaine avant la consultation.
  • Axiale
    EVA, réveils nocturnes, taille annuelle, indice de Schöber, ampliation thoracique.
  • Périphérique
    Nombre d’articulations douloureuses et gonflées.
  • Enthèses
    Nombre d’enthèses douloureuses.
  • Retentissement fonctionnel
    Échelles BASFI, HAQ.
  • Atteintes extra-articulaires
    • Cutané: psoriasis
    • Digestif: MICI
    • Ophtalmo: uvéite
  • Tolérance des traitements
  • Surveillance du risque cardio-vasculaire
  • Dépression et anxiété

Autres

  • Biologique
    VS, CRP.
  • Radio thoracique, EFR
    Documente l’atteinte restrictive et la fibrose pulmonaire.
  • ECG
    Dépistage des troubles du rythme/conduction.
  • Ophtalmologique
    Dépistage et surveillance d’atteinte ophtalmologique.

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Figure. Prise en charge d'une suspicion de spondylarthrite ankylosante par le médecin généraliste. Dr JB Fron d'après SFRhumato 2022.