Cardiopathie ischémique: Syndrome coronarien chronique (SCC)

Coronaropathie, post-infarctus, angor, angine de poitrine

ESHHASESCMis à jour

Résumé des recommandations pour le généraliste

  • L’angor détermine un risque cardiovasculaire élevé à très élevé (si sténose objectivée). Évoquer devant une douleur épigastrique, mandibulaire, entre les épaules, ou le bras/poignet/main
  • Bilan initial du syndrome coronarien chronique: biologie, ECG 12D, échocardiographie et avis cardiologique
  • Mesures hygiéno-diétetiques: arrêt tabac et alcool, pression artérielle < 130/80 mmHg, sel 5-6 g/j, activité physique adaptée (APA), correction d’un surpoids
  • Prise en charge de la cardiopathie ischémique:
    • Réadaptation cardiaque
    • Si symptômes à l’effort: dérivés nitrés d’action rapide
    • Anti-angineux de première intention: bêtabloquant (BB) ou inhibiteur calcique (ICa) (voire association) avec cible 55-60 bpm et 130 bpm à l’effort
    • Aspirine 75-100 mg/j voire bithérapie après événement CV ou revascularisation, à considérer sinon
    • Statine systématique: LDL < 0,7 g/L et réduction ≥ 50% (< 0,55 si sténose à l’imagerie ou événement CV)

Chapitres liés: insuffisance cardiaque, épreuve d’effort

Syndrome coronarien chronique (SCC)
ex maladie coronarienne stable
Manifestation clinique au long cours d’une cardiopathie ischémique.
Les 2 complications principales sont la mort subite et l’insuffisance cardiaque. Lorsque la coronaropathie est traitée selon les recommandations internationales, le taux de mortalité est identique à celui de la population générale (étude CORONOR).
Comorbidités souvent associées chez le coronarien: maladie cardioneurovasculaire (38%), diabète (29%), prise de psychotropes (23%).
Angor vasospastique
Angor (angine de poitrine) souvent d’allure typique (voir Clinique) survenant au repos mais pas (ou rarement) à l’effort. Prédominance nocturne. Sensibilité aux dérivés nitrés. Le diagnostic d’angor vasospastique nécessite un bilan cardiologique exhaustif.
Traitement par inhibiteur calcique et dérivés nitrés de longue durée d’action. En cas de spasme coronarien post-stent on utilise la nifédipine.
Coronaropathie microvasculaire primaire
L’angor avec coronaires lisses est rare (< 10%). L’ensemble du bilan cardiovasculaire est normal. Traitement par statine et bêtabloquant.

Épidémiologie de la coronaropathie en France

Le syndrome coronarien chronique est la maladie cardiovasculaire chronique la plus fréquente et la première cause de mortalité dans les pays développés.

  • Prévalence: 1,5 millions de patients (2017)
    43% de plus de 75 ans.
  • Pour un suivi sur 3 ans: 1/3 des patients ont présenté un décès d’origine cardiovasculaire, un SCA, un AVC, une hospitalisation ou un autre évènement cardiovasculaire.

Le contrôle médical est insuffisant: seulement 20% ont un LDL < 0,7 g/L et < 1/3 ont une tension < 130/80 mmHg (CLARIFY)

Abréviations

AP
activité physique
AVC
accident vasculaire cérébral
BB
bêtabloquant
BPM
battement par minute
HAS
Haute Autorité de Santé
HTA
hypertension artérielle
ICa
inhibiteur calcique ou anticalcique (Collège, antagoniste calcique pour la HAS)
ICa-DHP
inhibiteur calcique dihydropyridine (amlodipine ou autre)
ICa-non-DHP
inhibiteur calcique non dihydropyridine (diltiazem ou vérapamil)
IDM
infarctus du myocarde
SCA
syndrome coronarien aigu
SCC
syndrome coronarien chronique

Interrogatoire

Angor
  1. Douleur thoracique rétrosternale* déclenchée par: l’effort, la digestion ou le stress
  2. Douleur qui dure plusieurs minutes (< 20 minutes)
  3. Douleur soulagée par le repos ou la nitroglycérine (< 5 minutes)
Une dyspnée d’effort peut être considérée comme un équivalent d’angor en l’absence d’autre cause.
La probabilité pré-test est calculée selon l’âge, le sexe, l’angor.

* Douleur ressentie: thoracique rétrosternale, épigastrique, mandibulaire, entre les épaules, ou le bras/poignet/main.
Décrite comme une pression, une oppression ou une lourdeur, parfois comme un étranglement, une constriction ou une brûlure.


Angor typique (ou angine de poitrine stable)
Les 3 critères sont remplis.
Angor atypique (probable)
2 critères remplis.
Angor peu probable
1 seul critère rempli.
  • Facteurs de risque cardiovasculaires
    Tabac, dyslipidémie, diabète (x2), hypertension artérielle, obésité, hérédité cardiovasculaire (événement cardiovasculaire ou maladie cardiovasculaire au premier degré avant 55/65 ans chez un H/F).
  • Antécédents
    Cardiovasculaires (IDM, FA, AOMI), rénaux, pulmonaire, ménopause précoce.
  • Autres toxiques
  • Traitements en cours
  • Profession
    • Horaires atypiques, intensité physique, exposition froid ou chaleur ou pollution, sédentarité, stress
    • Risque mortel: pilote de ligne, chauffeur routier, athlète nécessite un dépistage coronarien
  • Symptômes angineux et cardiovasculaires
    • Caractéristiques de la douleur
    • Angor, dyspnée, limitations à l’effort
  • Retentissement sur la vie quotidienne
  • Dysfonction érectile
    Aggravée par thiazidique et BB (sauf nébivolol). IPDE5 possibles sauf si traitement par dérivés nitrés.
  • Dépister des apnées du sommeil

Examen clinique

  • Poids, taille, IMC, périmètre abdominal
  • Pression artérielle, fréquence cardiaque
  • Pouls périphériques et mesure de l’IPS
  • Souffle vasculaire (carotidien, aortique, fémoral)
  • Rechercher des signes:
    • Insuffisance cardiaque
      Dyspnée, orthopnée, intolérance à l’exercice, fatigue, œdèmes des chevilles, Tachycardie, galop, turgescence jugulaire, reflux hépato-jugulaire, hépatalgie d’effort/repos, hépatomégalie, œdèmes des membres inférieurs prenant le godet, ascite.
    • Anémie
      Dyspnée, fatigue, vertiges, pâleur, tachycardie.
    • Hypertension artérielle
    • Valvulopathie
    • Autres organes: maladie rénale, pulmonaire

Chez le +40 ans asymptomatique sans sténose à l’imagerie: calcul du (Heart)SCORE2 (Android, iOS) en l’absence de maladie cardiovasculaire, diabète, insuffisance rénale ou hypercholestérolémie familiale (sinon définir la classe de risque cardiovasculaire)

Bilan de la coronaropathie

Bilan d’un angor ou de douleurs thoraciques évocatrices de cardiopathie ischémique:

  • NFS
  • Glycémie à jeun (< 1 an), HbA1c
  • Bilan lipidique (< 1 an)
  • Ionogramme sanguin
  • Créatininémie avec DFG CKD-EPI
  • Uricémie
  • Selon le tableau: TSH, (NT-pro)BNP
  • ECG de repos
  • Holter-ECG si: suspicion de troubles du rythme, vasospastique
  • Échocardiographie transthoracique
  • Tableau atypique, signes d’insuffisance cardiaque ou suspicion de maladie respiratoire: radiographie thoracique
  • Si hypertension résistante ou insuffisance rénale: doppler des artères rénales

Selon l’évaluation cardiovasculaire: épreuve d’effort voire coroscanner.

Coronaropathie confirmée: échodoppler des troncs supra-aortiques (TSA) et de l’aorte abdominale, mesure de l’index de pression systolique (IPS) ± échodoppler MI

Électrocardiogramme de repos 12 dérivations

La normalité du tracé ECG ne permet pas d’exclure un syndrome coronarien chronique

L’électrocardiogramme 12 dérivations est systématique.

L’arrêt du tabac est la mesure la plus efficace avec une réduction de la mortalité de 36% après un infarctus du myocarde

Réévaluation du traitement à chaque consultation:

Correction des facteurs de risque cardiovasculaire

  • Arrêt du tabac (réduit la mortalité de 36%)
  • Réduction de l’alcool à moins de 10 verres par semaine
  • Statine systématique
  • Hypertension artérielle (ESH 2023)
    • Seuil d’initiation de 130/80 mmHg (dite normale haute)
    • Cible de la population générale: 120-129 / 70-79 mmHg
  • Correction d’un surpoids et d’une obésité abdominale
  • Régime méditerranéen
  • Limiter les apports en sel à 5 g/j
  • Activité physique adaptée (APA) régulière
    • Programme d’APA; min 150 min/sem endurance, renforcement musculaire 2-3/sem avec 10-15 répétitions
    • Sédentarité < 7h/j, bouger 1 minute/h
  • Si diabète de type 2: HbA1c cible ~ 7%, suivi diabétologique, iSGLT2 ou GLP-1 selon le profil

Prise en charge du syndrome coronarien chronique

Mesures spécifiques pour la prise en charge de la cardiopathie ischémique stable:

  • Réadaptation cardiaque systématique
  • Symptômes à l’effort: dérivé nitré d’action rapide (Isocard®, Natispray®)
  • Anti-angineux de première intention: Bêtabloquant (BB) ou inhibiteur calcique (ICa)
    • Considérer d’emblée l’association BB + ICa-DHP (voir le tableau ci-dessous)
    • Fréquence cardiaque cible: 55-60 bpm (ESC) et 130 bpm à l’effort (Collège)
    • Réévaluation toutes les 2-4 semaines initialement
    • L’arrêt d’un anti-angineux nécessite une décroissance progressive
    • Si angine persistante, anti-angineux de deuxième intention: nitré d’action longue patch ou oral (pour lesquels une tolérance s’installe, nécessitant une période libre de 10-14 h/j)
      ou nicorandil, ivabradine, trimétazidine (ranolazine non disponible en France), voir tableau plus bas
  • Aspirine 75-100 mg/j à considérer en l’absence d’IDM ou de revascularisation
    • Clopidogrel 75 mg/j si intolérance (sans IPP), AOMI ou AIC/AIT
    • Voire bi-antithrombotique si haut risque ischémique (score Precise-DAPT)
    • IPP si haut risque de saignement (à venir: ESC DAPT)
  • Vaccination grippe
  • Prise en charge psychologique
    Dont thérapie cognitive et comportementale (TCC) pour accompagner le changement de mode de vie.
  • Socio-professionnel: adaptation du poste de travail
  • Éducation thérapeutique
  • Déclarer l’ALD n°5
    Indications: toute ischémie myocardique objectivement documentée (ECG, épreuve d’effort, scintigraphie myocardique de perfusion, échographie de stress, échographie d’effort, holter ECG, coronarographie).
  • Prise en charge des comorbidités:
    • Post-infarctus, insuffisance cardiaque, dysfonction VG ou diabète: IEC voire ARA2
    • ACFA: utiliser les mêmes seuils d’anticoagulation, préférer un AOD, considérer d’associer aspirine/clopidogrel si IDM, haut risque ischémique sans risque élevé de saignement

La décision d’une revascularisation myocardique (stent ou autre) relève uniquement du cardiologue et n’est donc pas abordée ici.

Un suivi coordonné par un infirmier de pratique avancée (IPA) est équivalent au suivi par un généraliste (Wood 2008)

Tableau. Suggestion de titration du traitement anti-ischémique du patient atteint de coronaropathie à type de syndrome coronarien chronique selon le tableau clinique initial. Dr JB Fron d'après ESC 2019
IntentionStandardFC > 80/minFC < 50/minDysfonction VG/ICHypotension artérielle
1BB ou ICaBB ou
ICa-non-DHP
ICa-DHPBBBB ou ICa-non-DHP
faible dose
2BB + ICa-DHPBB + ICa*Substituer par NALBB + NAL ou
BB + ivabradine
Substituer par ivabradine
ou autre
3Ajout 2e ligneBB + ivabradineICa-DHP + NALAjout 2e ligneBithérapie de 2e ligne
4Ajout nicorandil,
ranolazine
ou trimétazidine
idemidemidemidem

* Précautions avec vérapamil et diltiazem (ICa-non-DHP) ; NAL = dérivé nitré d’action longue

Rythme du suivi du coronarien chronique

Après revascularisation ou syndrome coronarien aigu (SCA) récent (< 12 mois): au moins 2 consultations dans l’année, échocardiographie dans les 8 à 12 semaines et visite de pré-reprise.

Ensuite, le suivi proposé pour un sujet asymptomatique est:

  • Suivi cardiologique annuel
  • ECG à chaque visite
  • Bilan lipidique tous les 1-2 ans
  • Échocardiographie et épreuve d’effort tous les 3-5 ans
  • Réadaptation cardiaque si baisse des performances

Ensemble de connaissances à acquérir au cours des consultations d’éducation thérapeutique en cas de syndrome coronarien chronique:

  • Retrouver un sentiment de maîtrise et de sécurité en adoptant un nouveau projet de vie
  • Connaître et modifier son mode de vie pour mieux contrôler ses facteurs de risque cardiovasculaire
  • Savoir pratiquer et interpréter les automesures (hypertension, diabète)
  • Connaître et expliquer sa maladie
  • Repérer les facteurs déclenchants et les signes précurseurs de l’angor
  • Utiliser le traitement de la crise à bon escient et savoir quand appeler le 15
  • Connaître le traitement de fond, les effets bénéfiques et indésirables, et les modalités de prises
  • Participer régulièrement au suivi (renouvellements, médecine du travail en cas de besoin)
  • Repérer et corriger les erreurs alimentaires
  • Découvrir et mettre en place de nouvelles habitudes culinaires riches en plaisir gustatif
  • Activité physique
    • Découvrir ou redécouvrir les bienfaits d’une pratique quotidienne, objectifs raisonnables, accompagnement si besoin
    • Reprendre des activités antérieures en connaissant et respectant les limites de sécurité précisées par le cardiologue
  • Connaître les effets délétères du tabagisme et élaborer une balance bénéfices/risques du sevrage
  • S’engager dans le sevrage avec l’accompagnement nécessaire

HAS

  • FC cible 55-60/min, pas d’arrêt brutal des BB ou anti-angineux

Connaissance des indications:

  • du recours au cardiologue (en sus du suivi régulier) si:
    • exacerbation des symptômes angineux ou de la dyspnée
    • effets indésirables médicamenteux
    • fibrillation auriculaire nouvellement diagnostiquée
    • échec d’une bithérapie anti-angineuse à dose maximale tolérée
    • syncope ou lipothymies
  • du recours à la réadaptation cardiaque
  • du recours à l’hospitalisation
    • angor instable ou SCA
    • besoin d’explorations invasives
    • insuffisance cardiaque rapidement évolutive
    • apparition d’un trouble du rythme mal toléré ou de mauvais pronostic
  • Prise en charge pluridisciplinaire avec plan personnalisé de soins

Savoir gérer une crise d’angor

Prise en charge pour l’auto-gestion de la douleur angineuse:

  • Arrêter l’effort en cas de signes d’angor
  • Avoir sur soi le dérivé nitré d’action immédiate (0,3-0,6 mg sublingual ou 0,4 mg spray sans déglutir)
  • S’assoir et prendre une bouffée sublinguale
  • S’allonger en cas de vertiges
  • Les autres effets possibles sont: maux de têtes, rougeur et bouffées de chaleur
  • Répéter toutes les 5 minutes jusqu’à disparition des symptômes sans dépasser 15 minutes (10 minutes selon HAS) ou 1,2 mg
  • Appeler le 15 en cas du dépassement du délai précisé ci-dessus (10-15 minutes ou 1,2 mg)
  • Faire part au médecin de la survenue de douleurs intermittentes
  • Une dose peut être prise avant un effort déclenchant les symptômes
  • La trinitrine ne peut être prise avec d’autres vasodilatateurs comme les traitements de la dysfonction érectile (sildénafil Viagra®, tadalafil Cialis®)

HAS et ESC