Syndrome de l'intestin irritable (SII)

Colopathie fonctionnelle, côlon irritable

BSGSNFGEMis à jour

Résumé des recommandations pour le généraliste

  • Le syndrome de l’intestin irritable (SII) est fréquent, avec prépondérance féminine et associe: douleurs abdominales chroniques (+6 mois), ballonnements et troubles du transit. Le diagnostic est clinique en l’absence de test diagnostique
  • Rechercher des signes d’alarme: +50 ans, AEG, rectorragies ou anémie, symptômes nocturnes, apparition ou modification récente des symptômes
  • Le bilan d’une suspicion de syndrome d’intestin irritable comporte: NFS, CRP, sérologie cœliaque avec si diarrhées TSH (examen parasitologique si début brutal), échographie pelvienne après 50 ans
  • Le traitement et la prise en charge de l’intestin irritable comporte:
    1. Information, activité physique et réévaluations à 2-3 mois
    2. Puis mesures diététiques et titration d’ispaghul
    3. Suivi diététique pour essai d’éviction des FODMAP 4-6 semaines voire probiotiques 12 semaines
    4. Selon les symptômes: lopéramide pour diarrhées (SSI-D), polyéthylène glycol pour constipation (SSI-C), paracétamol, pinavérium et menthe poivrée si douleurs (voire tricyclique)
    5. Suivi spécialisé en cas de résistance au traitement

Chapitre lié: diarrhée chronique

Syndrome de l’intestin irritable (SII)
ex colopathie fonctionnelle ou côlon irritable
Maladie digestive bénigne, fréquente (5%), maximale vers 18-39 ans avec prédominance féminine (80%), nécessitant une prise en charge rigoureuse et l’écoute du patient. Il n’existe pas de test diagnostique et l’évolution n’est pas prévisible.
Définition NICE: Douleur ou gêne abdominale associée à des troubles du transit depuis au moins 6 mois, en l’absence de signes d’alarme. Pathologie liée à une dyscommunication intestin-cerveau modulée par les dimensions bio-psy-sociales.
Définition Rome IV (2016): douleur abdominale récurrente (≥ 6 mois) survenant en moyenne au moins 1 jour par semaine dans les 3 derniers mois avec ≥ 2 critères parmi: douleurs à la défécation, modification de la fréquence ou de la consistance des selles.
Constipation
Moins de 3 selles par semaine, selles dures ou difficultés d’évacuation.

Diagnostic différentiel

Abréviations

BSG
British Society of Gastroenterology
CNP-HGE
Conseil National Professionnel d’Hépato-Gastroentérologie
EPS
examen parasitologique des selles
FODMAP
fermentable oligosaccharides, disaccharides and monosaccharides and polyols (aliments fermentescibles)
IRS
inhibiteurs de la recapture de la sérotonine
SII
syndrome de l’intestin irritable
SNFGE
Société Nationale Française de Gastro-Entérologie

Drapeaux rouges devant des symptômes digestifs

Critères d’adressage rapide au gastro-entérologue:

  • Survenue après 50 ans
  • Rectorragies, méléna ou anémie
  • Symptômes nocturnes
  • Amaigrissement
  • Apparition ou modification récente des symptômes
  • Anomalie à l’examen
  • Antécédent familial de cancer colorectal ou d’adénome ≥ 10 mm chez 1 parent au 1er degré avant 65 ans ou chez ≥ 2 parents au 1er degré à tout âge

SNFGE et CNP-HGE

Le diagnostic de syndrome de l’intestin irritable est clinico-biologique: syndrome évocateur (douleurs abdominales chroniques, ballonnements et troubles du transit) avec examens de première intention normaux en l’absence de signes d’alarme

Interrogatoire

  • Antécédents personnels
    Antibiothérapies répétées, infections digestives, chirurgies, ménométrorragies.
  • Antécédents familiaux (auto-immuns, oncologiques, colopathie)
  • Régime alimentaire
  • Traitements en cours et automédication (psychotrope, opiacés)
  • Alcool
  • Symptômes
    • Date de début et installation
    • Douleurs abdominales chroniques
      Souvent décrites comme des spasmes en fosse iliaque gauche ou hypogastriques sans atteinte nocturne (le + souvent). Intermittentes avec aggravation lors des périodes de stress.
    • Ballonnements
    • Distension abdominale, plénitude ou inconfort abdominal
    • Troubles du transit (fréquence, diarrhées dit SII-D, constipation dit SII-C ou alternance/SII-M) et horaire
      Échelle de Bristol.
    • Autres: satiété précoce, épigastralgies, nausées
    • Sévérité: score IBS-SSS
  • Dyspepsie associée: douleur ou inconfort centré sur l’épigastre
  • Signes négatifs
    • AEG
    • Rectorragies
    • Symptômes nocturnes
    • Incontinence anale
    • Rachialgies
    • Signes urinaires et gynécologiques
  • Bilans déjà réalisés
  • Comorbidités fréquemment associées, également en faveur du diagnostic: fibromyalgie, céphalées de tension, fatigue chronique
  • Qualité de vie
  • Anxiété

Examen clinique

  • Poids, taille, IMC, variations
  • Palpation abdominale
  • Si constipation: toucher rectal
  • Signes négatifs: signes d’anémie
    Dyspnée, fatigue, vertiges, pâleur, tachycardie

Avis gastro-entérologique si: doute diagnostique, symptômes sévères ou échec du traitement de première intention, demande du patient, incontinence fécale.

Bilan de première intention en cas de suspicion de syndrome de l’intestin irritable

  • NFS, CRP
  • Sérologie cœliaque: IgA anti-transglutaminase + IgA totales
  • Si diarrhées: TSH, examen parasitologique des selles (EPS) si début brutal
    et calprotectine fécale avant 45 ans (60€ non remboursés)
  • Rythme normal du dépistage du cancer colorectal selon le niveau de risque
  • Femme +50 ans: envisager une échographie pelvienne par voie sus-pubienne et endovaginale (voir cancer de l’ovaire)

BSG et SNFGE (mais avis parfois divergents)

Si dyspepsie associée avant 50 ans: sérologie Helicobacter pylori ou test respiratoire.

La fibroscopie gastrique peut être réalisée en cas de diarrhées (SII-D) ou de dyspepsie associée (si +50 ans, signe d’alarme, résistante).

Place de la coloscopie pour le bilan diagnostique du syndrome de l’intestin irritable

Indications limitées à la coloscopie pour le bilan diagnostic:

  • Signe d’alarme
  • Anomalie à l’examen clinico-biologique (masse, anémie)
  • Forme diarrhéique
  • Résistance au traitement médical
  • Calprotectine augmentée
  • Suspicion de colite microscopique
    Femme +50 ans, pathologie auto-immune, diarrhée aqueuse nocturne ou sévère depuis moins d’un an, perte de poids, traitement à risque (IPP, AINS).
  • Suspicion de diarrhée biliaire: diarrhée nocturne ou antécédent de cholécystectomie
  • Antécédent familial de cancer colorectal ou d’adénome ≥ 10 mm chez 1 parent au 1er degré avant 65 ans ou chez ≥ 2 parents au 1er degré à tout âge; à partir de 45 ans ou 10 ans avant le cas index (voir CCR)

Les traitements peuvent être pris uniquement lors des périodes de poussées symptomatiques. Les traitements inefficaces doivent être arrêtés.

Prise en charge de première intention

  • Activité physique régulière
  • Information du patient (voir chapitre suivant)
  • Mesures diététiques
    Respect des sensations alimentaires et manger lentement, réduire les aliments identifiés comme mal supportés, limiter les graisses, éviter l’excès de fibres (son de blé), réintroduire à 4 semaines un aliment exclu en l’absence d’amélioration.
  • Laxatif ispaghul (dit aussi psyllium) 3-4 g/j avec titration progressive (20-30 g/j)
  • Association de patients: APSSII

Réévaluation à 2-3 mois. Si insuffisant, proposer:

  • Diététicien pour régime pauvre en sucres dits fermentescibles (FODMAP)
    • Présents dans: édulcorants, plats préparés, lactose, blé-orge-seigle, légumes (asperges, choux, brocolis, poireaux, artichaut), fruits (pomme, poire)
    • Essai strict pendant 4-6 semaines et réintroduction progressive si efficace pour identifier l’agent
  • Essai probiotiques (ex: Lactobacillus, Bifidobacterium infantis 35624) 12 semaines
  • Si diarrhées: titration de lopéramide
  • Si constipation: essai polyéthylène glycol (PEG, macrogol)
  • Si douleurs abdominales: paracétamol, antispasmodiques (pinavérium > citrate d’alvérine, trimébutine, mébévérine, phloroglucinol), huile essentielle de menthe poivrée (EI: reflux)

Réévaluation à 3 mois.

Traitements de deuxième intention

  • Psychothérapie
    Considérer après 1 an sans amélioration par traitements médicamenteux ou avant selon le profil et la demande. Thérapie cognitivo-comportementale (TCC), hypnose.
  • Antidépresseurs pour neuromodulation intestin-cerveau
    • Tricycliques
      Débuter amitriptyline (Laroxyl®) 10 mg le soir, titration progressive jusqu’à 30-50 mg/j. Prolonger au moins 6 mois si efficace.
    • ou IRS
  • Si diarrhées résistantes au lopéramide:
    • Antagonistes des récepteurs 5HT3 (+ efficace; hors AMM)
      Titration de l’ondansetron de 4 mg/j à max 8 mg x 3/j.
    • Antibiothérapie non-absorbable rifaximine (Tixtar® hors AMM)

Suivi spécialisé pluri-disciplinaire en cas de symptômes sévères ou résistants.

L’acupuncture et l’ostéopathie n’ont pas démontré de bénéfices.

Le syndrome de l’intestin irritable

  • Le syndrome de l’intestin irritable (SII) est une maladie fréquente
  • Il est lié à une altération de l’axe intestin-cerveau, une hypersensibilité viscérale, des troubles de la motricité intestinale et dune dysbiose intestinale.
  • La maladie est dite “fonctionnelle” car bénigne. L’intestin conserve un aspect sain il n’y a pas de risque évolutif de cancer ou de maladie grave
  • Il se déclenche parfois dans les suites d’une infection intestinale ou après un traitement par antibiotiques mais le plus souvent aucun facteur déclenchant n’est identifié
  • Les symptômes typiques sont des douleurs abdominales, des troubles du transit et des ballonnements
  • Ils peuvent être aggravés par des facteurs psychologiques (stress), des aliments et la flore intestinale
  • Certaines personnes arrivent à contrôler les symptômes par une adaptation du mode de vie, du régime alimentaire ou par une autre gestion du stress.

Les examens complémentaires

  • Le diagnostic est posé après un premier bilan réalisé en ville, en éliminant une maladie cœliaque
  • Certains symptômes nécessitent des explorations par un gastro-entérologue: saignements digestifs, amaigrissement marqué, anémie, antécédents familiaux de cancer colorectal, âge +45 ans. Une coloscopie est alors souvent proposée.

La prise en charge du syndrome de l’intestin irritable

Aucun traitement ne permet de guérir la maladie. La prise en charge est symptomatique et l’efficacité des traitements n’est pas prévisible.

Il est préconisé:

  • Activité physique régulière et des adaptations alimentaires
  • La restriction des fibres ou à l’inverse leur supplémentation peut améliorer les symptômes
  • Un suivi par un diététicien peut être bénéfique
  • Des probiotiques ou d’autres traitements peuvent être essayés et conservés en cas d’amélioration
  • Un accompagnement par un psychologue peut être proposé
  • Des symptômes résistants aux traitements sont rares mais doivent alors bénéficier d’un accompagnement spécialisé pluri-disciplinaire

graph TB
SII["Suspicion de SII

- Douleurs abdominales ≥ 6 mois
- Ballonnements
- Troubles du transit"] style SII stroke:#4150f5, stroke-width:1px SII --> alarme("Signes d'alarme ?

- Survenue après 50 ans
- Rectorragies, anémie
- Symptômes nocturnes
- AEG
- Apparition/modification
récente des symptômes
- Anomalie à l'examen") alarme -- Non --> biologie("Bilan

- NFS, CRP
- Sérologie cœliaque
- Diarrhées: TSH,
EPS si brutale
-45 ans: ± calprotectine (non remb)
- Femme +50 ans: échographie pelvienne
- Si dyspepsie: sérologie HP
ou test respiratoire") --> traitement("Prise en charge

- Diagnostic clinique
- Information du patient
- Comorbidités: fibromyalgie,
dyspepsie
- Rééval 3 mois") -. Insuffisant .-> RHD("- Activité physique
- Diététique
- Ispaghul
- Probiotiques
- Relaxation") -. Insuffisant .-> FODMAP("Diététicien pour
régime FODMAP
± Psychologue") FODMAP --> douleurs(Douleurs abdominales) --> antalgie("Antalgie:
- Antispasmodiques
- Menthe poivrée") -.-> antidépresseur(Tricyclique
voire IRS) -.-> gastro FODMAP --> constipation("Constipation (SII-C)") --> laxatifs(Laxatifs:
ispaghul, macrogol) -.-> gastro FODMAP --> diarrhée("Diarrhées (SII-D)") --> antidiarrh(Titration de lopéramide) -.-> gastro alarme -- Oui --> gastro(Consultation du
gastro-entérologue)
Figure. Conduite à tenir pour le diagnostic et la prise en charge du syndrome de l'intestin irritable. Dr JB Fron d'après BSG 2021 et SNFGE.