Urticaire aiguë et chronique

SFDermatoCEDEFMis à jour

Résumé des recommandations pour le généraliste

  • Signes de gravité d’une urticaire: Dysphonie, hyper-salivation et troubles de la déglutition
  • Ne pas utiliser les corticoïdes pour l’urticaire par effet rebond
  • Traitement de l’urticaire par antihistaminique anti-H1 seul
  • Bilan uniquement en cas d’urticaire chronique résistante
  • Fiche info patient SFD sur l’urticaire (PDF)
  • Une urticaire et un édème (œdème)
  • Pour l’enfant, lire PAP Urticaire aiguë de l’enfant

Urticaire
Dermatose inflammatoire caractérisée par les lésions papuleuses, œdémateuses prurigineuses bien limitées en petits éléments ou confluants en larges plaques fugaces, migratrices et prurigineuses.
Réaction inflammatoire générée par la libération d’histamine par activation des mastocytes lors de leur rencontre avec un antigène.
Le plus souvent l’activation est non spécifique et donc non allergique. Rarement par IgE dirigées contre un antigène = urticaire immunologique pouvant déclencher une anaphylaxie.
Le plus souvent épisode unique et résolutif sans cicatrice ni lésion de grattage.
Vient d’« urtica », ortie en latin.
Urticaire superficielle
Œdème dermique uniquement.
Urticaire profonde
Aussi appelée angio-œdème voire œdème de Quincke en atteinte pharyngée. Souvent associée à la forme superficielle.
L’atteinte est dermo-hypodermique donnant une tuméfaction ferme, mal limitée, non prurigineuse (paupières et lèvres).
Le pronostic vital est engagé en manifestations ORL (dysphonie, troubles de la déglutition).
Angio-œdème du visage: cause alimentaire chez l’enfant, médicamenteuse chez l’adulte.
Urticaire chronique (UC)
Poussées d’urticaire, le plus souvent quotidiennes, évoluant depuis plus de 6 semaines.
Pathologie fréquente (prévalence 0,5%, exceptionnelle chez l’enfant) avec altération de la qualité de vie pendant une durée d’évolution moyenne de 3 à 5 ans.
Peut être grave lorsqu’un angio-œdème laryngé ou digestif est associé. Éliminer une maladie inflammatoire ou néoplasique (rares). Une cause allergique est exceptionnelle.
Urticaire cholinergique
Ou urticaire réflexe à la chaleur.
Survenue lors d’une exposition à la chaleur, à l’effort ou une émotion, de durée brève (< 30 minutes).
Siège principalement sur le tronc et déclenchée par chaleur, sudation, émotion ou efforts.
Test de provocation par exercice physique avec sudation.
Urticaire au froid
Déclenchée par eau ou air froids, pluie, neige, baignade. Touche principalement les mains et visage.
Doit faire rechercher cryoglobulinémie et agglutinines froides.
Risque d’hydrocution lors des baignades.
Test de provocation par glaçon emballé appliqué sur l’avant-bras pendant 20 minutes.
Les urticaires physiques doivent être testés après 1 semaine de sevrage en antihistaminiques. Si négatif: test hospitalier d’immersion de l’avant-bras dans l’eau de 5 à 10°C pendant 10 à 15 minutes.
Urticaire de contact au chaud
La réaction est immédiate sauf en forme familiale.
Test de provocation par application d’un tube en verre contenant de l’eau 38°C et 50 °C pendant 1 et 5 minutes.
Urticaire de contact
Fréquentes. Immunologiques (latex, aliments, médicaments) ou non immunologique (orties, méduses, chenilles processionnaires).
Lésions apparaissent en moins de 30 minutes au point de contact avec parfois généralisation et choc anaphylactique.
Urticaire solaire
Rare. Survient dans les premières minutes des zones habituellement couvertes. Disparaît en moins d’une heure.
Test de provocation par l’exposition au soleil ou un simulateur.
Urticaire retardée à la pression
Œdème douloureux survenant 3 à 12 heures après une pression répétée (plantes après longue marche, paumes après port de sac …).
Test de provocation par l’application de poids 2,5 à 7 kg pendant 20 minutes sur au moins 2 zones différentes (épaule, cuisse)
Urticaire aquagénique
Rare. Test de provocation par application d’une compresse humide à 37°C sur le dos de la main pendant 20 à 30 minutes.
Urticaire alimentaire
Allergie vraie IgE dépendante comme l’APLV, œufs, poissons, crustacés, moutarde, arachide, céleri, pêche, amande, tournesol, orange, noisettes, kiwi, fruits exotiques, blé, lentilles.
Survient rapidement après l’ingestion.
Dermographisme
Lésions linéaires reproduites par le grattage.
Aussi appelé urticaire factice, déclenché par la friction cutanée. Test diagnostique avec frottement d’une pointe mousse sur 10 cm.
De cause inconnue, il peut être isolé ou associée à une autre étiologie.
Angio-œdème vibratoire
Test de provocation par un appareil vibratoire.

Abréviations

Anti-H1
Anti-histaminiques anti-H1
CEDEF
Collège des enseignants de dermatologie de France
SFD
Société Française de Dermatologie
UC
urticaire chronique
UCS
urticaire chronique spontanée

Signes de gravité de l’urticaire

  • Dyspnée
  • Dysphonie
  • Hypersalivation et troubles de la déglutition
  • Malaise
  • Hypotension artérielle
  • Troubles digestifs

Le diagnostic d’urticaire est clinique.

Interrogatoire

  • Antécédents médicaux personnels et familiaux
    Atopie, urticaire, maladie générale.
  • Traitements pris
    Histamino-libérateurs: surtout IEC/sartans, AINS/aspirine, codéine/morphiniques.
    Voir plus bas Aliments et médicaments histamino-libérateurs.
  • Habitudes alimentaires
    Aliments riches en histamine et histamino-libérateurs (voir plus bas)
  • Profession
  • Notion d’urticaire de contact (latex)
  • Facteur déclenchant d’urticaire physique
    Effort, frottement, pression, chaleur, froid, eau, exposition solaire, vibrations.
  • Stress
  • Signes généraux
  • Urticaire aiguë
    • Infection virale
    • Piqûre d’insecte
  • Caractères
    • Chronologie de l’apparition
    • Fugace
    • Migrateur
    • Prurigineux
    • Chaleur locale
    • Extension en plaque de géographie ou peau d’orange
  • Qualité de vie
  • Manifestations associées
    Hyperthermie modérée, douleurs abdominales ou arthralgies possibles.

Examen clinique

Les lésions d’urticaire superficielle sont des papules ou plaques mobiles, fugaces (habituellement < 24h), récidivantes, migratrices et prurigineuses.

L’urticaire profonde donne des tuméfactions fermes, pâles, non prurigineuses avec sensation de tension douloureuse pouvant persister 48 à 72 heures.
En cas d’atteinte muqueuse intestinale, les douleurs peuvent simuler une urgence chirurgicale.

  • Entourer les lésions
    Elles doivent disparaître en 24 heures.
  • Examen dermatologique
    • Dermographisme
    • Plaques d’urticaires persistantes
  • Signes de maladie inflammatoire

Diagnostic différentiel de l’urticaire aiguë

  • Eczéma aigu du visage
    Absence de lésion muqueuse, suintement.
  • Exanthème viral
  • Toxidermie maculo-papuleuse Les lésions sont fixes.
  • Maladie de Still
    Éruption fébrile à tendance vespérale, maculeuse ou parfois urticarienne.

Diagnostic différentiel de l’urticaire chronique

  • Mastocytose
  • Pemphigoïde au stade pré-bulleux
  • Enfant: érythème polymorphe

Aucun examen complémentaire n’est recommandé devant une urticaire aiguë


Aucun examen complémentaire n’est recommandé devant une urticaire chronique banale isolée sans signes cliniques d’orientation étiologique

Bilan devant une urticaire chronique banale isolée sans signes cliniques d’orientation étiologique

Indication au bilan d’urticaire: Récidive après 8 semaines d’anti-histaminiques.

  • NFS, VS, CRP
  • Anticorps anti-TPO
    et TSH si anticorps positifs.

Consensus ANAES/SFDermato 2003

En cas de syndrome inflammatoire biologique, d’anomalie de la NFS ou de signes cliniques évocateurs:

  • Dosage du complément
  • Facteurs antinucléaires
  • Sérologie de la toxocarose

Bilan devant une urticaire chronique avec signes évocateurs

  • Dysthyroïdie clinique
    TSH, anticorps anti-TG et anti-TPO ou antirécepteurs de la TSH.
  • Signes gastriques/duodénaux
    Recherche d’H. pylori.
  • Urticaire au froid
    Cryoglobulinémie, cryofibrinogénémie, immunoglobuline monoclonale, agglutinines froides.
  • Urticaire solaire
    Phototests standardisés.
  • Angio-œdèmes chroniques ou récidivants isolés sans lésion superficielle
    Déficit en inhibiteur de la C1 estérase.
  • Angio-œdème chronique localisé de la face inexpliqué
    Absence de prise d’IEC/sartans, AINS/aspirine: Panoramique dentaire, scanner des sinus.
  • Urticaire atypique (fixe, peu prurigineuse) ou signes cutanés (livedo, nodules, purpura …)
    Biopsie cutanée.

Bilan allergologique

Indications à un bilan allergologique

  • Troubles dyspeptiques postprandiaux
  • Urticaire localisée de contact
  • Épisodes d’angio-œdèmes récidivants du visage chez l’enfant

Traitement de l’urticaire aiguë

Recommandations pour la prise en charge et le traitement de l’urticaire aiguë:

  • Éviction d’un médicament en cas de suspicion.
  • Remettre la liste des aliments histamino-libérateurs.
  • Anti-histaminique anti-H1 (2G = seconde génération) pendant 2 semaines.
    En cas d’échec à 2 semaines, augmenter la posologie jusqu’à 4 fois (EAACI/GA2LEN/EDF/WAO 2013).

Si échec, adresser au dermatologue.

NB. Pas de corticoïdes par risque d’effet rebond ni de bilan allergologique (sauf orientation).

Antihistaminiques anti-H1 de seconde génération

Molécules peu ou pas sédatives de première intention (selon Prescrire): Cétirizine ou loratadine.

Chez le -12 ans, en cas de fortes doses la SFD préconise la desloratadine ou la rupatadine (comprimés uniquement).

Autres molécules étudiées chez l’adulte: Bilastine, desloratadine, fexofénadine, lévocétirizine, rupatadine.
Autres molécules étudiées chez l’enfant: Desloratadine, fexofénadine, lévocétirizine.

En cas de grossesse, simple dose de cétirizine, lévocétirizine ou desloratadine (SFD 2021).

Traitement de l’urticaire chronique spontanée

Cétirizine 10 mg 1 par jour pendant 8 semaines
Doubler voire quadrupler la dose en l’absence d’efficacité.

Recommandations pour la prise en charge et le traitement de l’urticaire chronique spontanée:

  • Anti-histaminique anti-H1 de seconde génération (2G) simple dose
    En l’absence d’efficacité à 1 semaine ou 2 mois: augmenter la dose jusqu’à une quadruple dose.
  • Éviter les médicaments histaminolibérateurs
    AINS/aspirine surtout.
  • Éviter les aliments riches en amines biogènes
  • Bilan allergologique exceptionnel
  • Proposer un soutien psychologique
    Éviter antidépresseurs tricycliques et IMAO.

Persistance à 8 semaines et échec du traitement

  • Réaliser le bilan biologique
    Voir Examens complémentaires.
  • Vérifier l’observance
  • Rechercher des facteurs aggravants ou des signes spécifiques
  • Substitution de l’antihistaminique anti-H1 2G
  • En cas de prurit ou troubles du sommeil:
    Bithérapie anti-H1 2G le matin et anti-H1 1G le soir.
  • Réévaluation à 4-8 semaines

Essayer successivement tous les antihistaminique anti-H1 si échec et adresser au spécialiste pour avis pluridisciplinaire (omalizumab, ciclosporine).

Traitement d’urticaires chronique spécifiques

Urticaire chronique physique

Anti-histaminique anti-H1 au long cours.

Urticaire chronique de contact

Éviction de l’allergène.

Substances pouvant provoquer une dégranulation mastocytaire.
Il n’y a pas d’interdit a priori. Mais le patient utilise cette liste pour identifier une substance causale.

Aliments riches en histamine

  • Conserves de poissons
  • Poissons fumés
  • Fruits de mer
  • Charcuterie, choucroute
  • Petits pois
  • Fromages fermentés
    Gruyère, brie, roquefort.
  • Chocolat
  • Levure de bière
  • Tomate, chou, épinard
  • Avocat, figue, raisin
  • Vin

Aliments histamino-libérateurs

  • Alcool
    Vin, bières, cidre, liqueurs.
  • Crustacés, poissons à chair rouge (thon, maquereau, saumon), sardines, anchois, hareng
  • Charcuterie
  • Gibier faisandés, abats
  • Choucroute
  • Fromages à pâte cuite
    Gruyère, emmental, beaufort, gouda, cheddar.
  • Chocolat
  • Tomate et sauce tomate, lentille, haricot, fève, petits pois
  • Fraise, agrumes, banane, ananas, fruits exotiques
  • Fruits à coque
    Cacahuète, noix, noisette.
  • Blanc d’œuf en quantité importante
  • Épices (aliments très épicés), sauce Nuoc Man
  • Abus de caféine ou thé

Médicaments responsables d’urticaires

Tous les médicaments peuvent être en cause et ce quelles que soient leurs voies d’administration. Collège d’Immunologie

Les principaux:

  • Aspirine et salicylés
  • AINS
  • Morphiniques, opiacés, codéine
  • IEC
  • Antibiotiques
    Bêtalactamines (également allergie vraie) polymyxine B, colimycine, néomycine, vancomycine.
  • Produits de contraste iodés
  • Anesthésiques généraux
    Tubocurarine, halothane.
  • Curares (également allergie vraie)

Et aussi:

  • Atropine
  • Protamine
  • Amphétamines
  • Macromolécules
    Dextran, gélatines modifiées.
  • Antihypertenseurs Népressol, réserpine, hydralazine, trasipressol.
  • Alpha-chymotrypsine, ACTH
  • Thiamine, quinine, scopolamine, pilocarpine
  • Vitamine B1

Facteurs physiques

  • Variations brutales de température
  • Bains chauds, épilation
  • Chaleur, fièvre
  • Stress et émotions, efforts physiques
  • Coups, traumatismes
  • Interventions chirurgicales
  • Piqûres de guêpes, abeilles, morsures de serpents

graph TB
  UA[Urticaire aiguë] --> gravite("Signes de gravité ?
- Dysphonie
- Hypersalivation
- Troubles de la déglutition") style UA stroke:#4150f5, stroke-width:1px gravite -- Non --> tttUA(Anti-H1 2G 2 semaines) tttUA -- Efficace --> Guérison tttUA -- Persistance --> prolongation("Anti-H1 dose x 2 à 4 pendant
6 semaines") -- Persistance --> UC(Urticaire chronique) gravite -- Oui --> urgence("Appel du 15
Traitement du choc
anaphylactique/Quincke")
Figure. Conduite à tenir et prise en charge d'une urticaire aiguë. Dr JB Fron d'après CEILF 2011.
graph TB
  UC["Urticaire chronique
> 6 semaines"] --> orientation("Maladie générale
ou forme particulière?") style UC stroke:#4150f5, stroke-width:1px orientation -- Non --> isolee("Urticaire isolée
= pas de bilan") --> ttt1(Anti-H1 2G 4 à 8 sem) ttt1 -- Résistance --> bilan("Bilan biologique

- NFS, VS, CRP
- anti-TPO ± TSH") ttt1 -- Résolution --> fin(Pas de bilan) orientation -- Oui --> maladie(Bilan spécifique)
Figure. Conduite à tenir et prise en charge d'une urticaire chronique. Dr JB Fron d'après ANAES 2003.